" Un précédent cochon " article de Bernard Joubert (extrait du livre "Tous coupables !" - paru en 2007 en soutien au dessinateur Placid- condamné pour avoir dessiné un policier au nez porcin).

 

Un précédent cochon

La censure n'aime pas les cochons. Voici une précédente affaire, qui n'a jamais été rendue publique. En 1988, Elvifrance, éditeur de bandes dessinées érotiques au format de poche, prévoit de traduire en France la série italienne Pig (écrite par Carmelo Gano et dessinée par Piercarlo Macchi et Luciano Milano), dont le héros, suite à une mutation malheureuse, est un homme à tête de cochon. Soumis au régime très particulier du " dépôt préalable ", Elvifrance fait fabriquer les trois premiers numéros français de Pig et les dépose à la censure, pour examen, trois mois avant leur commercialisation. Ce pocket ne va pas paraître. Le 7 novembre 1988, Georges Bielec (1936-1993), directeur d'Elvifrance, est entendu à la direction des Libertés publiques, au ministère de l'Intérieur. C'est alors Pierre Joxe, socialiste, qui est le ministre de la police. On signifie à Bielec qu'on ne le laissera pas publier cette série. Elle est inamendable, il n'y a pas même moyen de l'édulcorer puisque, là où elle pèche, c'est dans le faciès porcin du héros, qui fornique avec des femmes normales. Elle est intrinsèquement... zoophile.

La sortie est annulée. Et c'est ainsi que Pig, qui compta 64 numéros en Italie, ne sera jamais vu en France.

BERNARD JOUBERT

 

Ministère de l'intérieur

République Française

Paris le 18 aout 1988.

 

Messiers,

Vous éditez les publications intitulées :

-Présence occultes - La fleur de l'immortalité - Le hollandais volant - Un choix difficile - Le lit du prince héritier - Noces interplanétaires - Otage ô désespoir - PIG n°1 "s'il est vrai qu'en tout homme" - L'avertissement - Tout va bien à Darstown - Puma, muma mia - Le royaume de la folie - Histoire de famille -

dont la commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à la jeunesse a estimé qu'elles étaient suceptibles d'entrer dans le champ d'application des dispositions de l'article 14 de la loi du 18 juillet 1949, ci-joint.

La réglementation en vigueur prévoit une concertation préalable avant toute décision éventuelle.

Il vous est donc loisible d'user de cette faculté en me communiquant, sous quinzaine, tous éléments que vous jugeriez utiles à mon information.

Veuillez agréer, Messieurs, l'expression de ma considération distinguée.

 

L'adjoint au sous-directeur

Chef du Bureau des libertés publiques.

RETOUR