Leone Frollo, le lion de
Venise
DOSSIER DE JL parker033
Tout le monde en France connaît Manara pour
avoir lu les aventures de la BD le Déclic ou
de Giuseppe Bergman, ou simplement par son style
reconnaissable entre mille. Il suffit en effet de voir une
femme dessinée par cet auteur hautement prolifique
pour le reconnaître au premier coup d'œil.
Comme d'ailleurs les dessins de son confrère Paolo
Eleuteri Serpieri, dessinateur de la plantureuse Drunna
évoluant dans un univers apocalyptique ou par ses
histoires plus rares de westerns un peu moins connu mais
tout aussi superbes graphiquement…
Mais peu de gens connaissent en France (ou connaissait) le
nom de Leone Frollo dans les années 70, 80 et
90 sauf quelques collectionneurs amateurs d'érotisme
ou recherchant certains titres précis tirés
des productions Elvifrance.
Qui est donc Leone Frollo ?
Né le 9 avril 1931 à Venise, Frollo
débute dans la bande dessinée en 1948/1949 (il
a 17 ans) en réalisant une histoire de western, "
Sui grandi laghi " pour un journal scolaire, belle
opportunité pour lui pour ce faire un peu d'argent
selon ses dires.
On dénote déjà certaines
facilités pour les mouvements et la mise en page,
pour un dessinateur débutant…c'est pas si mal.
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Vers 1953 ce sera " la strada senza fine ", sur un
texte de Georges Bellavitis, dont il reprendra le
dessin par la suite pour un journal du nom de " il
corriere dello scolaro ".
Lauréat d'architecture en 1956 (ou 1958 suivant les
sources) il réalisera que l'avenir dans ce domaine
est pour lui une impasse surtout à Rome et
décidera lentement de se lancer dans le dessin qui
sera toujours selon ses déclarations, un
complément à son métier d'architecte
dans les débuts.
Ses débuts dans le dessin justement lui servent juste
à entretenir sa passion pour ses deux hobbies que
sont la photographie et la collection de comics (et plus
tard le cinéma) qu'il affectionne
particulièrement. Il se rendra compte que sa
notoriété bien que faible au début
commence à augmenter ce qui n'est pas pour le
décourager sur le plan financier.
Il travaille ensuite toujours en 1958/1963 pour la firme
anglaise Fleetway et Thomson et réalise des
histoires de guerres pour Battler Briton, Archie
the robot, War Story, Famous romance
story, Love story dont aucun épisode
à l'époque ne fut traduit en Italie.
C'est dans cette courte période qui va de 1962
à 1963 qu'il s'essaye pour la 1ère fois sur
des histoires à l'eau de rose pour la
Fleetway. Il pourra faire ses premières armes
pour affiner son style sur les visages des femmes et leurs
courbes dans des séries comme " Romeo ", "
Boy friends " et des histoires complètes comme
" Lady Birds ".
A partir de maintenant Frollo se lancera complètement
dans le dessin, passion et succès financier oblige.
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Les encouragements de ses lecteurs font que
Frollo prendra de plus en plus de soin à
dessiner ses personnages, privilégiant la finesse des
traits ainsi que la précision de la gente
féminine qui fera son succès plus tard et qui
sera le principal atout de sa réputation.
C'est dans cette période que Frollo prendra
conscience des goûts des lecteurs (de l'époque)
et épurera son style des surcharges dans les
vignettes, pour privilégier les contrastes noir et
blanc, sans égarer le lecteur de (je cite)
-stimulations visuelles qui pourraient le distraire-.
Il travaille ainsi sur le titre " Guerra agli
invisibili " sur un texte de Franco Bandini dans
" in corriere dei Piccoli " en 1963.
Suivront en 1964 des travaux sur le célèbre
Perry Rodan dans quelques épisodes pour la "
Moewig Verlag di Monaco " situé en Allemagne
ainsi que dans des épisodes de " Melody John "
pour " Racconti dello sceriffo ", Sepim Italie
en 1965/1966.
C'est de nouveau pour Fleetway qu'il retravaille en
1967 pour " The space travellers ".
Entre 1964 et 1971 il participe de plus en plus à de
nombreuses séries dont " Si parte per… La luna
" pour plusieurs épisodes et en 1969 il collabore
à la série " Wampus " et celle de "
Durik ".
A cette époque lors d'une interview, Leone
Frollo cite ses sources d'inspirations et annonce que
son dessinateur préféré est Alex
Raymond. Viennent ensuite Milton Caniff et
Will Eisner sans oublier Harold Foster, Joe
Kubert, Alex Toth et bien sûr
Frazetta.
Mais il oublie de parler de John Buscema…nous y
reviendrons plus tard car c'est important.
Frollo avoue une passion pour les dessins des
années 30 et des comics comme " Little annie
Ronney ", " Bob star ". Il est né dans les
années 30 et avait donc grandit avec en
mémoire ces BD qu'il voyait dans les kiosques
à cette époque. Logique donc que ces noms
là soient cités.
Ses aventures avec la photographie et le cinéma dont
j'ai parlé plus haut ne s'arrêtent pas
là car il sera primé deux fois au festival
international de Montecatini, la 1er fois en 1965 pour "
Angela " signé en collaboration avec
Fenzo (Stelio ?) et en 1970 pour " Ragazze
che dipingono un muro ".
Enorme satisfaction personnelle pour Frollo pour un
art que peu de gens lui connaissent.
Revenons un peu en arrière dans le temps. En
Italie quelque chose était en train de bouger pour
les fumettis vers le début des années
60. Des personnages comme Diabolik, Kriminal,
Satanik et Jezabel venaient sur le devant de
la scène, et en 1966 arrivait Isabella.
Ce grand boum est du à deux personnes Renzo
Barbieri et Giorgo Cavedon qui créeront
les éditions RG. Plus tard ils se
sépareront pour fonder Edifumetto pour le
premier et Ediperiodici pour le second.
Frollo n'échappe pas au
phénomène et se voit embaucher dès le
début par les edt RG en 1970 pour dessiner
quelques numéros de Terror Gigante. Dès
le N° 3 la Danza macabra (traduit en France),
N° 4 Il bianco cadaverino (inédit en
France), N° 6 l'ombra del malignio (traduit en
France), et les N° 10, 12, 15, N° 21 la mashera
d'oro (traduit en France), N° 23 Barbablu
(traduit en France).
Dès les derniers dessins qu'il fera pour le
numéro de Terror Gigante N°23 qui date de
septembre 1971, sort un mois après en Octobre 1971 la
série Lucifera dont
Frollo dessinera juste les 15 premiers
numéros, le dernier datant de Décembre
1972.
Frollo était au courant des deux articles
consacrés à Lucifera, écrits par Numa
Sadoul pour Phenix, publiés en 1974 et 1977, et
était très satisfait que les français
s'intéressent aux productions transalpines mais
restait réservé sur une certaine
clientèle et critique française qu'il jugeait
à l'époque (je cite) " snobinarde ".
Pour les collectionneurs il faut noter que le Terror
Gigante N° 6 l'ombra del malignio
précède Lucifera de
quelques mois, mais c'est en tout point ou presque le
scénario de la future diablesse que nous connaissons
(voir Terror Hors série N° 1).
Viendra ensuite en 1972 ce qui sera considéré
à juste titre comme son chef d'œuvre, surtout en
Italie ; Biancaneve qu'il dessinera pendant 26
numéro de novembre 1972 à Décembre 1974
et qu'il reprendra plus tard pour quelques hors
séries.
En effet d'après une interview de lui en 1986 c'est
une série dont il est assez fier et qui lui a
donné beaucoup de travail. Mais c'est avec un
réel plaisir qu'il la redessinera dans les
années 80. Ce sera d'ailleurs la seule fois qu'il
redessinera un personnage pour quelques aventures.
Et vient ensuite Naga (en France Shatane), très bonne série
pleine d'aventures que Frollo dessinera du N° 1
au N° 24 de Juillet 1975 à Juin 1977, pour
être reprise ensuite par un tâcheron qui la
coulera définitivement (voir mon article Naga
sur le site).
En 1978/1979 la science fiction fait son entrée dans
l'œuvre de Frollo avec la série Fan
(Phann en France). Héros
calme, vivant sur une planète quasi déserte,
il se voit entraîner dans une saga planétaire
en vu de sauver l'univers d'un tyran qui fut autrefois son
meilleur ami…
Sujet classique mais qui fonctionne toujours et même
si la série connaît quelques faiblesses, elle
se laisse lire tranquillement.
Elle a été éditée en France dans
les Antarès du N° 15 au N° 22.
Inspiré par Vampirella il
dessinera ensuite une série graphiquement excellente
mais au scénario assez bâclé : Yra la
vampira du N° 1 au N° 12 de Octobre 1980
à Septembre 1981.
Passionné par les années 20 et les
années 30, il s'essaye à une très bonne
série se situant dans le milieu des bordels Parisien
: Casino du N° 1 au N° 25 de Mars 1985
à Avril 1987 (voir liste précise sur l'article
Casino
que j'ai fait sur le site)
En 1986 alors qu'il termine cette série, une
idée germe en lui, celle d'une bande dessinée
faites sur des planches grand format racontant l'histoire
d'un marin affublé d'une malédiction…
Sous le coup de la colère il se transforme en homme
tigre d'une férocité incroyable.
Lord Tiger sera un fiasco malgré une
publicité importante dans pas mal de revues, fanzines
et d'interviews faites à l'époque.
La Bd sort dans un grand format luxueux sur papier
glacé mais malgré une fin laissant
présager une suite cela ne se fera pas.
Cela a du être une grande déception car suivant
les articles que j'ai lu c'était une œuvre à
laquelle il tenait…
Il participera aussi à quelques histoires d'horreurs
isolées notamment pour la série Macabro
(pour le N° 1 et le N° 6). Il racontera dans une
édition de 1979 peu courante et en moyen format,
l'enfance de Dracula dans la collection "Fumetti dell'orrore-grandi autori" avec
pour titre l'orrenda storia di Dracula
Bambino. Histoire éditée en France dans
l'infernal BD N°2 en 1985. Il collaborera
surtout par la suite, vers 1985, à la série "
Glamour international ", et " Diva
"créant de véritables portfolios de dessins
faisant de temps en temps plusieurs pages dans des
numéros variés de la première et
deuxième série. Un numéro lui est
d'ailleurs entièrement consacré (voir
fumettografia à la
fin de l'article).
Oceania la cité des abysses
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pour 80.000 dollars de plus
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Il bianco cadaverino
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le masque d'or
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Que voyons nous en regardant sa fumettografie ?
Il est évident que Frollo ne tient pas en
place et le dit lui-même; il est incapable de rester
sur une série pendant un laps de temps qui lui semble
trop long.
C'est rédhibitoire pour toutes ses séries et
c'est un trait de caractère qui ne le quittera jamais
!
Il le dit lui-même lors d'une interview en 1977 dans
le magazine wow N° 6 et réitère
dans il fumetto N° 7 en 1986.
Dès qu'il pense qu'il tourne en rond il se voit dans
l'obligation et surtout par ennuie d'abandonner son
personnage pour passer à autre chose…
On peut le comprendre, les scénarios des fumettis
per adultis dans les années 70 ne volent pas bien
haut même s'ils sont là pour distraire,
certaines séries sont assez fades.
Pour Biancaneve, les thèmes récurrents
sont : trouver la sorcière qui a lancée un
sortilège sur le château, l'appréhender
et faire l'amour avec si possible. Lutter contre sa belle
mère Naga pour finalement lui faire l'amour et
se marier avec elle pendant un moment…(sic).
Excellente série tout de même et ce grâce
à l'humour fabuleux qui règne en masse dans
les premiers numéros et grâce aussi aux dessins
sublimes et très érotiques de Frollo.
Pour Lucifera, empêcher Faust de
créer le filtre du bien pendant 10 à 15
épisodes en accaparant sa libido …ça peut
devenir saoulant. Mais cette série réussira
à évoluer vers une saga qui emmènera
l'héroïne à travers de nombreuses
aventures…
Pour Naga : voyager, baiser, voyager, baiser et
enquêter…ok. Il faut noter quand même que
Frollo tiendra 24 épisodes pour cette
série assez mouvementée et finalement assez
réussie.
Mais la question se pose…lorsque Frollo s'en va d'une
série, les ventes peuvent chuter en flèche et
cette dernière peut s'arrêter très vite,
ce qui est assez révélateur.
Cela n'a pas été le cas bien sûr pour
Biancaneve et Lucifera, mais il avait eu le
temps de bien lancer ces deux séries et de
fidéliser un lectorat.
Pour Yra on sent dès le début en
engouement de l'auteur pour ce personnage mais très
vite cela dégénère pour sombrer dans un
scénario erratique, désordonné…pour
finalement gâcher la série et la
détruire. Elle aura duré 12 épisodes,
relevés une fois de plus par de superbes dessins. On
note quand même un léger essoufflement dans les
derniers numéros…
Toutes ces critiques n'engagent que moi et certains
trouveront à redire là-dessus, mais je ne
pense pas m'égarer beaucoup dans mes
affirmations.
Je pense que si Frollo n'avait pas dessiné ses
séries...elles seraient tombées dans l'oublie
le plus total ou n'auraient même peut être
jamais démarrées.
Je fais une parenthèse concernant la série
Mona street, que beaucoup considère comme sa
meilleure œuvre lorsqu'elle est sortie dans les
années 80.
Pourquoi, parce que c'est la seule qu'ils connaissent (ou
connaissait à l'époque) et c'est grâce
à cette série que Frollo aura un début
de reconnaissance en France par les critiques de bandes
dessinées et se fera connaître par des
collectionneurs envieux de réunir une série
d'un auteur faussement nouveau qui dessine de
l'érotisme…
Mais Frollo était déjà là
avant Serpieri et Manara avec les
séries Elvifrance dès les années
70.
Si Mona Street est reconnue par certaines personnes
comme ce qu'il a fait de mieux ; je suis d'accord d'un point
de vue esthétique. Il ne faut pas négliger
quand même le travail de précision fantastique
effectué sur la série qui contient en tout 3
numéros.
C'est un personnage dans lequel il a mis en grande partie
ses goûts prononcés pour les années 20
(un peu comme la série Casino) parue quelques
temps auparavant.
Mais ce n'est pas pour moi sa meilleure réussite.
Si pour Biancaneve qu'il a dessiné dans les
années 70, la mode était aux femmes
plantureuses et rondes (les Italiennes dans les
années 70 comme Gina Lollobrigida, Sophia
Loren), ce sera l'inverse pour Mona Street dont
l'action se situe dans les années 20 où les
femmes étaient fragiles et menues comme
l'était Greta Garbo dont il reprendra
exactement (c'est même un sosie) le physique pour la
directrice du collège où se trouve
Mona.
Frollo le dit lui-même, il adore ces
années là et avoue avoir obtenu son meilleur
résultat (financier ?) en la dessinant et cela se
voit quand on ouvre Mona Street, c'est beau et
précis, c'est bien léché… Je parle des
dessins bien sûr.
Tellement précis que plusieurs planches dans les
trois volumes ne seront pas encrées et vous pourrez
vérifier cela ne gâche en rien la Bd qui bien
au contraire se trouve être plus clair, plus
légère, donc plus vivante et plus libre. Ils
ne sont pas beaucoup ceux qui peuvent se passer d'un encrage
pour leur BD…, je trouve ça assez grandiose.
C'est évidemment Mona Street qu'il aura le
plus apprécié à dessiner car c'est elle
que l'on retrouve le plus sur des cartes postales, des
illustrations (pas encore les Tee-shirts). C'est elle je
pense qui restera dans la mémoire des gens comme son
travail le plus accompli.
Depuis Frollo n'a plus dessiné de
fumettis per adultis (le marché des Petits
Formats pour adultes étant terminé en Italie?)
ni de bandes dessinées mais plutôt des livres
d'illustrations qui ce sont bien vendus avec même
certains en tirages limités et signés.
Comme son dernier ouvrage " les femmes de
Leone Frollo " qui date de 2003, avec un tirage grand
public et un autre à tirage limité et
signé de 250 exemplaires.
Il y a aussi son avant dernier " liens de
femmes " édité chez Bagheera en
2000.
Tout ces derniers travaux l'ayant fait connaître un
maximum à l'étranger notamment en Allemagne,
aux usa, en France et en Angleterre ou ses originaux sont
assez recherchés maintenant.
Je ne parlerai pas du tout premier travail de
Frollo qui mérite l'indulgence ni non plus de
ce qu'il a fait durant sa période anglaise.
Parce que je ne possède simplement pas assez de
documentations pour être à même d'en
parler et encore moins de juger.
Les quelques photos montrées plus haut sont plus
parlantes que tout le reste…
Je dirais qu'a ses débuts pour les edt RG en
1970, dans le N° 4 de Terror, Frollo se
rapproche d'un style réaliste, ce qui est normal
quand on sort d'une période ou l'on a
travaillé pour des BD de romances et de guerres pour
l'Angleterre.
Les visages, les positions, les décors n'ont rien de
spéciaux, c'est quand même bien dessiné,
très bien même…bon ok…comparé à
d'autres dessinateurs de l'époque c'est sublime !
On note déjà une aisance à dessiner les
femmes en laissant planer un doux voile d'érotisme
à peine remué par l'apparition d'un sein ou
d'une cuisse.
Cette histoire du Terror 4 qui est
complètement censurée en France faisait
références à un tout jeune
bébé, fils du démon qui trucidait
toutes les personnes de la maison y compris à un
moment sa propre mère. Le père (supposé
biologique) défénestrait par la vitre le
diabolique bambin à la fin de l'histoire...ce n'est
pas passé en France, mais le bébé est
bien passé par la fenêtre, lui !
Le N° 3 édité en France dans le Terror
3 était déjà beaucoup plus
intéressant, tant graphiquement que par le
scénario, Frollo étant plus à
son aise avec ce genre d'histoire.
Il y fait référence à une femme
atteinte d'une maladie de peau et que son père soigne
en lui transférant entièrement les peaux de
gens qu'il tue et qu'il greffe ensuite sur celle de sa
fille.
L'histoire et le travail sur la mise en page sont
très bons, le dessin, l'ambiance parisienne du
début du siècle est bien rendu et
l'érotisme qui se dégage de la jeune femme est
délicieux.
D'entrée avec ce numéro le gore (assez soft
quand même) faisait son apparition…le titre
était quand même Terror et non pas "
Bonne nuit les petits "…
Mais c'est avec Lucifera que Frollo prend
ses marques, trouve son style, même si il sera en
constante évolution encore et encore et même de
nos jours (voir ses 2 derniers ouvrages).
Evoluant dans un univers fantastique peuplé de
sorcières, gnomes, diables, démons en tout
genre, Frollo prendra goût à la
caricature et apprendra à la développer.
C'est en dessinant cette série qu'il s'amusera
à déformer à l'extrême des
monstres repoussant et à contrario à fignoler
les formes et visages des femmes ou des jeunes filles.
Ce qui donne un aspect manichéen à la
série : les bons sont souvent beaux de visages et les
méchants souvent laids. Cela à pour
mérite que l'on voit tout de suite à qui l'on
a affaire.
Si par hasard un démon prend forme humaine comme
c'est le cas dans le numéro 2 avec Koorsan qui
séduira Marguerite par sa beauté, il
aura les sourcils dessinés de façon diabolique
pour ne pas laisser d'équivoque sur sa vraie
nature.
Il faut maintenant noter que c'est dans cette série
que Frollo s'inspire (pour ne pas dire pompe) les
dessins des comics américains et surtout de John
Buscema qu'il n'a pas cité comme un de ses
dessinateurs préférés. Ce qui est
très étrange quand on voit que c'est sur
l'œuvre de ce dessinateur mondialement connu qu'il c'est le
plus…inspiré.
En effet Lucifera apparaît en 1972 en Italie et
Frollo qui est fan de comics usa est forcément
tombé sur les chefs d'œuvres de la Marvel écrits par Stan
lee. Comme ceux du Silver Surfer dessinés
par John Buscema édité en 1968 ainsi
que Enemy Ace de Joe Kubert et le
Tarzan de Russ Manning…
Les années 60 et 70 aux usa…marmite bouillonnante de
dessinateurs talentueux et hors normes !
Donc, facilité pour les dessins, hommage, plagiat, ou
tout simplement une grande révélation d'un
dessinateur italien pour des BD et dessinateurs d'outre
atlantique ?…ce sera à vous de juger (voir la suite
de l'article plus loin).
Il ne faut pas oublier que ces Bd étaient faites pour
être lus rapidement mais qu'elles devaient être
aussi dessinées très rapidement. Donc faut il
être indulgent ou crier au plagiat sans prendre en
compte toutes les possibilités, les conditions et
l'époque à laquelle elles furent
dessinées? Pour ma part j'opterais bien pour la
première solution.
Mais seul une interview de Frollo nous
amènerait une réponse…
Pourtant il faut bien admettre que les premières
histoires, parues chez les edt RG ne subissent pas
d'influences notables comme (en français) " Danse
macabre ", " le diable et la mort ", ou " le
fantôme de l'opéra ". Toutes sont visibles
dans les collections Terror ou
Terror Hors série.
Cela commence surtout dans Lucifera avec Satan
qui perdra très rapidement sa forme première
et comme par magie se retrouve avec les traits de
Méphisto, l'ennemi du Silver
Surfer.
Le masque d'or est tout à fait
représentatif de ce que j'essaye de démontrer,
toutes les vignettes ou presque représentant
Zur, le traitre de
l'histoire, sont tirées (pour ne pas dire
décalquées) d'après des dessins de
John Buscema, des personnages de
Méphisto ou de Loki le frère de
Thor.
Dans certains numéros de Terror comme " l'or du
démon " et " le salaire du malin ",
Gilles de Rai pourrait très bien passer pour
le conte Frankenstein que l'on
voit aussi dans un numéro du Silver Surfer
(voir photos plus bas).
Quand on ouvre un numéro des Contes Malicieux
( Biancaneve) c'est beaucoup plus
modéré et même quasi inexistant,
heureusement.
Mais l'influence de Big John est encore là,
surtout lorsque l'on voit certains visages comme celui du
prince Harold (Contes Malicieux 3, 4, 5) on peut bien
se rendre compte de ce que j'avance.
Regardez les monstres difformes, monstres sous marins, nains
grotesques, bourreaux et assassins que Frollo
affectionne particulièrement et qu'il redessinera
constamment dans son œuvre et vous verrez de quoi je
parle.
Un simple exemple, dans le Contes Malicieux N°
6, Sireno a les mêmes traits que Triton
qui fait partie de la famille royale des inhumains dans les
Fantastic Four chez la Marvel Comics Group (ex
: dans le Eclipso N° 44 pour
la version française).
Dans le Shatane N° 1, on aperçoit Hans
Von Hammer, le Baron rouge, dessiné à
l'origine par Joe Kubert dans Enemy Ace chez
DC Comics et repris pour son compte par Frollo. Il le
renommera de son vrai nom, le Baron Manfred Von
Richtoffen, l'as allemand de la 1ère guerre
mondiale et le fera luter en duel aérien contre Shatane.
Dans le N° 8 notre héroïne fait la
connaissance du conte Dracula, dans une scène
ressemblant à s'y méprendre à celle que
l'on peut voir dans " Frankenstein contre Dracula ",
dans le comics pocket N° 4 de Frankenstein, dessiné par John
Buscema, encore lui !
A l'occasion Frollo reprendra souvent les fameuses
positions inventées et dessinées par Burne
Hogarth pour son Tarzan et il s'en servira pour
quelques numéros comme pour le Shatane N° 9. Seul
hic…Frollo ne sait pas du tout dessiner les animaux,
mais pas du tout !
Il y a aussi une petite histoire de SF, Océania la
cité des abysses, que vous pouvez voir dans le
Spécial Kiwi N° 50 ou dans sa
réédition le Ombrax N° 206.
Je dirais que plus de 50% des dessins sont inspirés
(décalqués soyons méchants) sur des
dessins de Buscema, Manning et Hogarth
(voir photo).
Si cette période assez déplaisante de prime
abord date du début des années 70 et couvre
quelques années, il faut se rendre compte que
très vite Frollo saura se détacher de
cette façon de dessiner et prendra
définitivement son rythme de croisière.
De temps en temps on retrouve des dessins qui reprennent
certaines positions qu'il affectionne
particulièrement et qui ont du le marquer. Celle ou
le Surfer à le bras devant le visage et que
vous pourrez retrouver un nombre incalculable de fois ou
celle du conte de Frankenstein qui
est assis dans un fauteuil le menton sur ses mains…ou celui
où il a lui aussi un bras devant le visage pendant
qu'il regarde un livre ouvert…l'air sombre…etc.
Il est vrai qu'avec des dessins comme ceux du Silver
Surfer on ne peut qu'être subjugué
tellement c'est beau. C'est quand même un, pour ne pas
dire le comics qui a le plus influencé les
français lors de sa sortie en France dans Fantask et dans Strange. Tout le monde s'en souvient
encore. Il est normal qu'ils aient aussi influencé
Frollo au début des années 70.
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