EDIFUMETTO et EDIPERIODICI

Renzo Barbieri & Giorgio Cavedon

OU L'AVANT ELVIFRANCE

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Dossier de JL PARKER033

 

Toutes les dates indiquées dans mon article, notamment pour les premières apparitions des personnages
ou les dates des premières éditions des revues, font référence à l'Italie, leur pays d'origine.

Les années 60, les fumetti neri :

Dans l'Italie du début des années soixante, les jeunes italiens sont à l'écoute des nouveautés en provenance de certains pays, des Etats-Unis surtout. La raison venant du fait d'importants changements et d'innovations de certains jeunes artistes, dans certains domaines, comme le cinéma et la bande dessinée.
Des personnalités médiatiques provenant des milieux artistiques, comme James Dean, Marlon Brando, Elvis Presley, Andy Warhol, les Beatles, entre autres, vont rendre populaire, avec leurs moyens non conventionnels, un phénomène qui verra la rupture de certains sujets tabous, tels que l'utilisation de produits stupéfiants, la liberté sexuelle, y compris la composante homosexuelle.
Les uns après les autres, les médias culturels, comme la littérature et le cinéma, s'ouvrent à de nouveaux concepts. Un renouveau s'opère qui les emmène sur les chemins de la Nouvelle Vague.
En Italie, les premiers à accueillir ces nouveaux stimuli sont Dino Risi, réalisateur de "Il Sorpasso" de 1962 (critique sociale de l'Italie, mesquine, fainéante, bourgeoise, hypocrite et bigote de cette époque), Pier Paolo Pasolini, avec sa "Mamma Roma" aussi de 1962 (histoire d'une mère qui se prostitue), et Fabrizio De André, qui ajoutera des thèmes et éléments "difficiles" dans ses chansons comme la prostitution et la mort.

Dans le cadre de la bande dessinée populaire, une rupture de genre aura lieu, une envie de rompre avec les traditionnelles bandes dessinées d'aventure et de western, qui jusqu'ici, tenaient le marché, dans lequel les héros positifs sont voués à la défense des valeurs établies comme la famille et la morale.
En novembre 1962, sort le premier numéro de Diabolik, le célèbre "El re del terrore" / "le roi de la terreur" (dessiné par Zarcone, couverture de Brenno Fiumali), qui, peut-être précisément parce que ses méthodes brutales et ses entreprises criminelles sont innovantes, acquiert en peu de temps un rôle de premier plan dans le monde de la bande dessinée italienne des années soixante. Un anti-héros en quelques sortes.
Inspiré par le personnage masqué du feuilleton français créé par Pierre Souvestre et Marcel Alain, Fantômas, ou du Shadow aux usa, Diabolik est vraiment le fondateur du "fumetti neri" (littéralement petite fumée noire), ainsi appelé pour sa petite taille (12 x 17cm) et le contenu qui est excessivement violent (pour l'époque). En France nous désignons sous le sobriquet -PF- = Petit Format, ces BD qui datent des années 50 (Rodéo, Kiwi…) et qui ont perdurées jusqu'à nos jours (Zembla, Swing).
Le protagoniste de ce fumetti neri est un voleur sans pitié, qui à la fin de chaque histoire parvient à toujours obtenir ce qu'il veut, par un savant jeu de masques et d'intrigue. Diabolik, alias Walter Dorian (nom révélé dans le N° 3 et qui est sujet à caution de nos jours) est un génie du crime qui n'a aucun scrupule à tuer pour ses propres fins.
Sa création est le fruit d'Angela et Luciana Giussani, d'une idée qui est née dans la banlieue de Milan, alors que tous les jours Angela prenait le train à la gare de "Milano Cadorna". Elle pensait créer une BD avec un format qui pourrait être facile à lire en attendant le train, puis pouvoir le placer dans sa poche. Pour comprendre les goûts des lecteurs, Angela fit même une petite étude de marché auprès de nombreux voyageurs qui lisaient des romans policiers, bien que la légende dit que son intuition soit venue d'un livre abandonné dans un train, un roman de Fantômas.
Dans les premiers numéros, le personnage de Diabolik incarne le mal, par opposition au caractère honnête et incorruptible de l'inspecteur Ginko, le seul qui puisse lutter contre Diabolik, parce qu'il est aussi intelligent et brillant que lui. Mais il ne peut jamais l'appréhender car il est droit et suit les règles et la loi, contrairement à Diabolik, même s'il a lui aussi son propre code d'honneur.
Elisabeth Gay est sa première compagne, et dans le troisième numéro de la série, il rencontre la belle Eva Kant, qui deviendra sa compagne attitrée pour la vie. Leur seul souci constant sera de voler argent et bijoux aux banques ou aux familles qui ne sont pas dans le besoin. 




Le document rarissime ci-dessus présente l'édition originale de Diabolik 1962, augmentée par la non moins rare couverture originale exposée, s'il vous plait, au ~Muséo del Fumetto~ en 2007.


Les kiosques à journaux italiens, à partir de ce moment et pendant quelques années, seront envahies de poches "noirs" et par les titres les plus bizarres, comme Fantax/Fantasm (juin 1964) de Corsas (Vittorio CORte/ Annibale CASabianca) et Mangiarano (Romano Felmang). Créé sous le nom de Fantax, axé sur la violence et la cruauté, ce personnage fut obligé de changer son nom en Fantasm à partir du numéro 18, le français Pierre Mouchot ayant déposé ce nom en 1947.
Viennent ensuite d'autres anti-héros tels que :

  • - Kriminal (aout 1964), dessiné par Magnus et scénarisé par Max Bunker, publié entre 1964 et 1976. En France, il sortira aussi sous les noms de Krimi ou Ourlam. Inspiré de Diabolik, Kriminal est un criminel portant un masque et une combinaison de squelette. Incité au début par son désir de revanche contre les meurtriers qui ont poussé son père à mettre fin à ses jours, Kriminal devient ensuite un cambrioleur que l'inspecteur Milton tente continuellement d'arrêter. Kriminal a ainsi pour complice l'ex-femme de Milton.
  • - Mister-X (octobre 1964), de Giancarlo Tenenti, sorte de croisement entre un justicier et un voleur, spécialisé dans le vol à grande échelle contre les riches et les arrogants, un Robin des Bois moderne (1er fumetti neri à avoir été publié en France en 1965).
  • - Sadik (mars 1965), de Nino Cannata et Gian. Sadik se devait d'être un échelon de plus dans l'escalade vers le sadisme. Il est aussi l'inventeur d'un costume procurant une invulnérabilité, par un procédé chimique. Voir en France Naja et Cobra.
  • - Spettrus (mars 1965), créature qui se désincarne pour accomplir le mal. Il était en mesure de transférer son esprit d'un corps à un autre. Source d'inspiration pour les futurs fumetti à tendance vampirique, comme Zora ou Jacula.
  • - Infernal (mai 1965), en France voir la série Nemo.
  • - Genius (février 1966), un photoroman ainsi qu'une BD, dessinée par Manara.
  • - Killing (mars 1966), photoroman traduit en Satanik pour la France.

- Certains plus éphémères comme Cobrak, seront voués à disparaître après seulement quelques mois, par manque de lecteurs ou bien pour cause de censure. Il existe aussi Magik, Demoniak, ou encore Maskar (étrange ressemblance physique avec Fantax, le héros français), et pour terminer, Sangoor (couvertures et dessins décalqués sur le Spiderman de John Romita sr, et des fois sur ceux de Gene Colan).



Chez ces sujets du crime, il faudra évidemment rajouter un équivalent féminin avec des héroïnes toutes très sensuelles et aux noms évocateurs:

  • -Satanik (décembre 1964), de Magnus et Bunker, la savante Marnie Bannister défigurée et laide, se fabriquera une beauté grâce à un filtre chimique et se vouera désormais au mal et au sexe.
  • -Zakimort (aout 1965), créé par P.Carpi et M.Gazzari et dessiné par Favio Bozzoli, héroïne en collant et loup noir, fille d'un ex-gangster, elle utilise la fortune laissée par son père pour rendre la justice.
  • -Vampir (1965) de Gino Cossio, premier titre vampirique, BD d'action / violence avec une dark lady et aussi AZ 10 qui sera couplée avec cette dernière.
  • -Gesebel (février 1966), (Jézabel, traduction française) de Magnus et Bunker, est une héroïne de S-F partageant son temps entre la piraterie spatiale et l'épuisement des mâles de son harem.
  • -La Jena (septembre 1966), de Heros Kara, Tenenti, Dino Zuffi, Adriano…est l'une des premières héroïnes où le coté sexy prend le pas sur le coté noir. Elle sera la première à dévoiler sa poitrine.
  • -Auranella (septembre 1966), (Astrella, traduction française) de Floriano Bozzi, héroïne de l'espace qui voyage de planète en planète à la recherche de la planète du mage Morbus afin de détruire le maléfice qui la tient éloignée -elle et son fiancé- de sa planète natale.
  • -Alika (juillet 1967), de G.Gich et U.Sammarini, à ses débuts elle fut une autre imitation de Barbarella, mais sous le crayon de Sammarini, elle devint une féroce satire de la politique des gouvernements.

Ainsi, en maintenant les éléments fondamentaux du genre " noir " (violence et agressivité), ces bandes dessinées pour adultes ouvriront la route vers une progressive "escalade de la nudité", qui les mèneront plus tard à la pornographie. Cette surenchère est allée naturellement vers la libération et l'évolution des mœurs sexuelles en Italie, et dans le sens d'une progressive permissivité.
Ainsi avec l'apparition de l'hebdomadaire "Men", en 1966, l'on peut désormais voir les premières poitrines féminines dans les revues pour hommes. Que ce soit dans les hebdomadaires, au cinéma ou dans la bande dessinée, le sexe est omniprésent et l'on ne voit plus que quelques illustrations érotiques qui ne soient pas acceptées. Le cinéma allemand ouvrira la voie sur la vision complète du sexe féminin (avec le premier film didactique-sexuel "Helga" en 1967), à la représentation du coït anal ("Ultimo tango a Parigi"; "Le dernier tango à Paris" de Bernardo Bertolucci en 1972), à la fellation, à la masturbation, aux rapports homosexuels ("Portier de nuit" de Liliana Cavani en 1974), et l'exhibition d'un pénis en érection ("Il fiore delle mille e una notte"; "Les mille et une nuits" de Pier Paolo Pasolini en 1974). Ainsi les bandes dessinées suivront le pas des hebdomadaires et du cinéma dans cette progressive exhibition.


Parallèlement, pour la France, vers le début des années 50, avec l'engouement pour certains romans noirs (encore cette couleur), les "Editions presses Mondiales" vont publier une série de bandes dessinées, "les grands romans noirs dessinés" 1953/1955, avec des dessinateurs tels que Gal, Marculeta et J.C Forest, Jacques Thibésart. On est encore assez loin de la pornographie, mais l'on peut y voir des couples au lit, des étreintes passionnées, des fesses et des seins à l'air, des culottes qui tombent... Ces revues ont d'ailleurs été condamnées pour outrage aux bonnes mœurs à cause de leur érotisme sous-jacent.
C'est à partir de la revue V.Magazine et de Forest que l'on peut parler du début de l'érotisme dans la bande dessinée dans notre pays.
Barbarella est créée au printemps 1962 par Forest. Ce qui était nouveau dans Barbarella, ce n'était pas les scènes à connotations sexuelles, puisqu'il y en avait déjà dans "les Grands Romans noirs dessinés", mais que de telles scènes soient dans un album de librairie. C'est le premier ~album de BD érotique~, à défaut d'être la première ~BD érotique~. Ensuite il y aura Scarlett Dream en 1965, de Gigi publié par E.Losfeld.
A cette époque, l'Italie n'avait pas les mêmes lois sur les publications destinées à la jeunesse comme en France (loi de 1949), mais une simple plainte déposée entrainait un jugement quasi immédiat. Toutes ses séries faisaient en effet appel au plus pur sadisme et à toutes formes possibles de violences, tintées d'un érotisme encore hésitant.
Avec les photoromans Killing (en France Satanik) à partir de 1965 par les "Editions Ponzoni" (le rédacteur en chef était : Pietro Granelli) et Genius (édité aussi en BD et dessinée pour l'occasion par Milo Manara), le pas est franchi.
Certaines publications s'aventurent même au-delà des limites (pour l'époque) comme Masokis en 1966, chez "Europress", qui compte 5 numéros rarissimes et très recherchés en Italie par les….collectionneurs ou amateurs de sensations fortes. L'héroïne, Barbara Brown, journaliste et espionne, ne peut effectivement prendre son plaisir que prise, battue et fouettée, dans toutes les positions. Cinq numéros et le couperet de la censure tomba. 

Voici les 4 premiers numéros en photos ci-dessous (un emplacement est laissé au cas où je trouverais le N° 5).
Il existe une polémique sur le numéro 5, qui par certains, est déclaré "fantôme", et est aussi le numéro le plus rare de tous les fumetti neri. Il y a également une confusion entre le 3 et le 5; bref un numéro qui n'a pas fini de faire parler de lui. 

Les Fumetti per adulti :

En 1966, quatre ans après la naissance du sombre Diabolik, le siège de l'éditeur "Sessantasei" Via (rue) Benedetto Garofalo, dans le quartier Città Studi, créé un nouveau genre de bande dessinée populaire pour adultes. Il s'agit distinctement de ~la bande dessinée érotique~.
Pour l'anecdote, il est besoin de se rendre compte comment, quelques temps plus tard, la maison d'édition déménagera Via Carlo Poma, le lieu de l'écriture et de la conception graphique de Mickey.
La première adresse était trop proche d'un poste de police et cela facilitait la saisie des journaux pour adultes. Malgré la proximité physique, les deux maisons d'éditions sont effectivement très loin en ce qui concerne le type de lecteurs…
La mise en place de puissants éléments érotiques sera le fait de Renzo Barbieri et du scénariste Giorgio Cavedon. Le premier, qui est le fondateur de la maison d'édition "Sessantasei", a un passé de scénariste pour les bandes dessinées de Western (il Piccolo Sceriffo / le petit shérif 1949-1950), mais aussi d'écrivain, de journaliste à potins, passionné d'automobile de luxe, de Lamborghini, Ferrari, de boxe et d'ailleurs boxeur lui-même…. 

Renzo Barbieri (1933-2007)

Giorgio Cavedon (1930-2001)

  • Giorgio Cavedon, né le 17 décembre 1930 à Brescia est un passionné de Jazz. Il travaille dans les années 60 comme administrateur cinématographique et metteur en scène. Avec Barbieri, il signera les plus belles histoires de quelques-unes des plus célèbres héroïnes de la bande dessinée italienne. Il fréquente aussi la faculté des sciences politique. En 1953, passionné de cinéma, il réalise son premier long métrage en 16mm. Puis en 1954, au festival de Cannes il présente un court métrage expérimental "Arturo". Il restera dans le domaine cinématographique des années durant, jusqu'en 1966, où il signera de son nom la création d'un personnage de cape et d'épée, Isabella qui sera réalisé graphiquement par le dessinateur Sandro Angiolini.
G.Cavedon devient éditeur, fondateur, avec R.Barbieri, des éditions "Erregi srl" qui seront Viale Enrico Forlanini 36 et Viale Emmano Barigozzi 2, 20138 Milano. En duo, ils signeront plusieurs titres, y compris Goldrake, Lucifera, Bonnie, et dans la même gamme qu'Isabella, Jacula, créée par Giorgio Cambiotti, dessinée par Alberto Giolitti, dont les aventures diaboliques et charnelles de cette reine des vampires seront publiées du 12 mars 1969 au 1 septembre 1982 en Italie. Elle a le mérite d'avoir devancé de quelques mois l'apparition de Vampirella, la vampire brune made in USA, puisque la 1ère apparition de cette dernière date de septembre 1969.
Toutefois ces deux créateurs de talent finiront malheureusement par se séparer en 1972.
Scénariste et toujours attentif à l'évolution des gouts du public, Giorgio Cavedon pour "Ediperiodici" créera également la célèbre série Zordon (décembre 1974 au 26 avril 1977), axée sur la science-fiction (dessin de Bruno Marraffa d'abord, puis du "Studio Origa"). 

Nous reviendrons sur leur parcours plus longuement à la fin de cet article, dans deux interviews : une donnée par Renzo Barbieri à son ami Graziano Origa et une donnée par Giorgio Cavedon à une journaliste, Graziella Di Prospero. Cette dernière interview devant d'ailleurs paraître dans le magazine Playmen, ne put sortir pour ~incompatibilité politique~ entre Prospero et Luciano Oppo, le rédacteur en chef.

Le phénomène érotique : 

En avril 1966, l'éditeur "Sessantasei" place sur le marché, à seulement quelques jours d'intervalle, deux titres phares, Goldrake il Playboy, une série d'espionnage librement inspirée du personnage de James Bond, et Isabella, Duchesse du diable (Anna Margherita Montibon de Frissac). 

 

Ecrit par Renzo Barbieri, Goldrake raconte les aventures d'un riche playboy Vénitien, William Holden Valmarin, agent de la C.I.A qui utilise des balles d'or (d'où "Gold" or, et "Drake", en souvenir du célèbre pirate Francis Drake). Le héros milliardaire, qui ressemble trait pour trait à Jean Paul Belmondo, est accompagné par Ursula qui, elle, a l'aspect d'Ursula Andress, la fameuse James Bond Girl.
Cet espion de poche restera sur le marché de la bande dessinée du 12 janvier 1967 à avril 1980, sur 325 numéros, s'étalant sur les 3 maisons d'éditions, "Sessantasei", "RG" et "Ediperiodici".
Isabella, créée par Barbieri et scénarisée par Cavedon, dont les aventures se situent sous le règne de Louis XIII et du cardinal de Richelieu, dont elle sera l'espionne, est la première série dans laquelle l'héroïne parle aux lecteurs de la suite du prochain numéro et demande la façon dans laquelle les lecteurs pourraient l'apprécier.
Cette thématique sera d'ailleurs reprise par la série Maghella chez "Ediperiodici" (voir mon article sur ce personnage).
Les aventures d'Isabella raviront les lecteurs du 2 Avril 1966 jusqu'au 10 Octobre 1976, publication sur 263 numéros pleins d'actions, divisés en deux séries. Je ne compte pas les 6 albums le Memorie ni les 2 supplementi : Cara Isabella suppl du N° 94 du 18/08/1970 et Isabella la piu spregiudicata analisi della piu' spregiudicata eroina dei fumetti, suppl du N° 77 de 2/12/1969, et encore moins les 27 numéros des Isabella Gigante qui sont des rééditions.
Après dix ans, Isabella, avec la série courante, les réimpressions, les livres et même un film réalisé par Bruno Corbucci avec l'actrice Brigitte Skay (voir photo ci-dessous), aura pénétré et ravi le cœur de toute une génération de lecteurs, jeunes et moins jeunes, dont beaucoup sont allés jusqu'à lui écrire, comme s'il s'agissait d'un personne réelle. Ces dialogues sont réunis dans le volume Cara Isabella.
J'ai d'ailleurs eu l'occasion de lire plusieurs lettres dont certaines sont très explicites. Les correspondants ou correspondantes en écrivaient certaines qui étaient pour la plupart érotiques, ou pornographiques. Ainsi, les lecteurs ou lectrices, assez nombreuses d'ailleurs, fantasmaient, demandaient conseil ou simplement se confiaient (des lettres seront montrées à titre d'exemple en fin d'article).
Cependant, le 26 Mars 1973, les autorités italiennes condamnent en appel ce volume, considérant qu'il est "obscène" par la façon dont il a été fait. Cavedon, en effet, a surpris tout le monde en éditant une sélection de ces lettres, et mis en avant le succès érotisant d'Isabella, chose que la censure n'appréciera pas et qui fera retirer de la vente tous les exemplaires. 


Le succès de Goldrake et d'Isabella est dû également à un dessinateur extrêmement talentueux et prolifique, Sandro Angiolini (Milan, 1920-1985). En plus des couvertures peintes et des histoires dessinées, Angiolini aura donné à ces deux séries ses lettres de noblesse, grâce aux caractéristiques de son style souple, impliquant dans cette série une charge érotique importante qui réussit à conquérir un nombre considérable de lecteurs.

  • Sandro Angiolini a débuté sa carrière en 1936, alors qu'il est encore étudiant, en réalisant des caricatures, illustrations et histoires humoristiques d'animaux anthropomorphes pour l'hebdomadaire Albi dell'Intrepido, de chez "Casa Editrice Universo".

En 1940, à peine sort-il du ~lycée Artistique de Brera~ et qu'il a l'intention de fréquenter l'université, qu'Antonio Rubino (créateur des journaux La Tradotta et Balilla, directeur en 1934 de Topolino de chez "Mondadori", et de Corriere dei Piccoli en 1910) l'appelle à Rome pour contribuer au film d'animation "Il Paese dei Ranocchi" de Roberto Sgrilli, présenté en 1942 à la Mostra de Venise, et produit par "l'Incom". Après cette expérience, durant laquelle il apprend à faire du dessin animé, il continue dans le même genre en collaborant, toujours en 1942, avec "Bossoli Film" à la réalisation "d'Anacleto la Faina", ou quelques temps plus tard, "la Rosa di Bagdad".
En 1943, de nouveau à Milan, après une brève période en Suisse, Angiolini dessine pour tous les périodiques humoristiques du moment: L'Uomo di Pietra, Il Barbagianni, Coda di Paglia ainsi que Sveglia!, un journal pour les soldats et leurs familles.
Il se retrouve même à diriger seul dans l'immédiat après-guerre, Lo Spigolo à Gênes en 1946 et exécute des illustrations dans un style réaliste pour les quotidiens: Corriere Lombardo, La Patria et La Notte et surtout pour L'Ambrosiano del Sabato.
Après les bandes dessinées et les dessins humoristiques et, jusqu'en 1950, il va travailler sur les périodiques sentimentaux alors très en vogue : Incanto, Festival, Stelle, Bella, Luna Park, Eva, Le Vostre Novelle, Settimana Radio TV (dont il fera les couvertures) et Sport Illustrato. De temps à autres il fait même quelques illustrations en couleurs pour des manuels scolaires, des contes pour enfants, partitions pour des chansons, affiches publicitaires, romans d'aventure pour garçons, albums à colorier reprenant les thèmes animaliers dont il est friand.
En 1950, Angiolini est convaincu par Gino Casarotti (père fondateur des "Edt Dardo") de réaliser le mensuel Chicchirichi (le premier numéro date de 1952, le dernier de 1958).
Casarotti le fait aussi dessiner sur la série Cri-Cri (1953-1954) et lui confie la réalisation de beaucoup de couvertures, parmi lesquelles quelques unes de Gim Toro, de Capitan Miki, d'El Coyote, de Ranch qui furent publiées en France par "LUG" et la "S.A.G.E".
Il participe à la série Roco parue en France sous le nom de Roico aux "Editions Imperia".
Il réalise 15 numéros de Calam la Pantera del West (1951-1952) pour "Zenith" de Luigi Della Casa et travaille également plus tard sur les couvertures du célèbre El grande Blek. Blek est un personnage de bande dessinée créé en Italie par le studio "EsseGesse" composé de Giovanni Sinchetto, Dario Guzzon et Pietro Sartoris en 1954. Il fera aussi Pinocchio pour la "Ifas" (1958), pour ensuite arrêter sa collaboration avec l'éditeur "Dardo" au tout début des années 60. Puis, il crée graphiquement le western Billy Rock de Renzo Barbieri (48 numéros en tout) de 1960 à 1965. Par ailleurs, il travaille durant cette période pour les éditions françaises, comme sur la série Rok l'homme invisible, pour la maison d'édition "Aventures et Voyages" ("Edt mon Journal").
Il ferme enfin la parenthèse de la bande dessinée pour enfants, du western et d'aventure, dans la moitié des années soixante. Le destin attend en effet Sandro Angiolini en 1966 pour le faire contribuer à la naissance de la bande dessinée érotique en Italie avec Renzo Barbieri et Giorgio Cavedon


Pour en revenir à Goldrake et Isabella, suggérant plus qu'ils ne montrent, à cause de la décence et de la censure, ces deux séries sauront exciter l'imagination des lecteurs par l'élément érotique doucereux où tout est suggéré, et jouer sur le pouvoir évocateur des auteurs. C'est seulement beaucoup plus tard, quand ces séries seront en concurrence avec le cinéma, que ces BD pour adultes deviendront plus explicites par leur contenu, qui leur vaudra l'épithète, un peu réductrice de "BD porno".
En réalité, la préoccupation principale aujourd'hui, quarante ans après leur naissance, c'est que ces livres suscitent plus de la tendresse par leur naïveté graphique et littéraire. 

Héroïnes infernales : 

Goldrake et Isabella ne sont pas les seuls magazines érotiques créés en tandem par Barbieri et Cavedon, qui reprennent les initiales de leurs noms en 1967 "RG" ou "Editions Erregi", sur les cendres de la "Sessantasei" éditeur.
En effet, avec ce nouveau label, les deux champions de la bande dessinée érotique populaire vont créer une longue série de poches à travers différents genres, avec pour seule constante une mise en forme érotique de certains médias, en particulier le cinéma. Ils reprendront de ce fait le genre des films d'épouvante de la "Hammer", comme "The Horror of Dracula", et surtout le film d'horreur "Come le Amanti di Dracula" ("Dracula Has Risen from the Grave") de 1968, dont la suite sera faite par les "Editions Erregi".
Apparaît alors la série Jacula (12 mars 1969 au 1 septembre 1982), écrit par Giuseppe Pederiali et dessiné par Gaspare de Fiore et Alberto Giolitti, ensuite par Giorgio Cambiotti du "Studio Rosi" et dont l'héroïne est une vampire de charme. Elle sera le porte drapeau d'une longue série de titres de terreur, d'épouvante, où régneront longtemps les loups-garous, vampires, goules, et autres monstres. En 1972, l'année où les deux partenaires dissoudront leur association et les "Edt RG", et après le grand accueil fait à Isabella, la quasi-totalité de ces séries auront de ce fait, le plus souvent, une héroïne féminine.
La production, voyant la difficulté de suivre un rythme important de travail (publications, bimensuels ou mensuels), Barbieri et Cavedon vont créer une équipe de dessinateurs concepteurs qui leur permettra de respecter les dates de la presse. Ils constituent ainsi le premier groupe de dessinateurs qui, dans les années où le phénomène des bandes dessinées pour adultes atteignent le point le plus populaire, offrent une remarquable production par leurs nombres et chiffres de ventes.
Parmi les premières éditions de la bande dessinée chez "Erregi", il y a Messalina (3 octobre 1966 à juin 1974) sur deux séries (185 numéros en tout), qui est située dans la Rome antique, constituant la dernière œuvre du doyen Edgardo Dell'Acqua, auteur de Gim Toro et de Bonnie avec aussi Camillo Zuffi, le dessinateur historique du Piccolo Sceriffo / le petit shérif.
Puis vient Lucrezia (10 avril 1969 au 19 octobre 1974), dont l'héroïne est la fille mauvaise et corrompue du pape Alexandre Borgia, cette BD étant la création graphique de Gaspare de Fiore du "Studio Rosi".
La célèbre diablesse Lucifera (octobre 1971 à aout 1980) créée par Barbieri et écrite en premier par Cavedon, Rubino Ventura et plus tard par Remo Pizzardi, dont la conception graphique pour les premiers numéros sera confiée à Leone Frollo, qui quitte à partir du numéro 15, laissant la place à Tito Marchioro et Edoardo Morricone et au "Studio Origa". Série mythique sur 170 numéros.

 

 

Il existe également d'autres séries telles que :

-Jungla (4 septembre 1968 au 1 décembre 1971), dessiné par Stelio Fenzo, qui est sous-titrée: la vierge africaine, qui tient à sa virginité et dont tous les prétendants, amoureux ou non, meurent. Elle perdra, après un référendum auprès du lectorat, sa virginité dans le N° 55 du 10 octobre 1971. Série sur 57 numéros.
Il y a un supplément au numéro 12 du 05/02/1969, appelé " La vierge africaine ", un roman avec pour protagoniste: Jungla, …Goldrake et Ursulla.
-Walalla (17 novembre 1969 au 10 mars 1972), avec au dessin Tito Marchioro, 54 numéros d'une indienne blonde qui se place en opposition à Vartàn, l'indienne blanche éditée chez Furio Viano et dessinée par Angiolini.
-Hessa (octobre 1970 au 18 aout 1972), par Nevio Zeccara, elle est la fille d'un père nazi, sadique et incestueux, et d'une mère nymphomane et droguée. Prise dans la tourmente de la chute de l'empire hitlérien, elle vivra des aventures d'une rare violence (sur 47 numéros). Nevio Zeccara a été le premier à travailler sur une version BD de Star Trek en 1967. Il a dessiné les deux premiers numéros aux "Edt Gold Key" et a été ensuite remplacé au numéro trois par Alberto Giolitti.
-Bonnie (5 novembre 1968 à mars 1980) dessinée par Camillo Zuffi et qui se passe pendant la prohibition, sur 249 numéros.
Pour l'anecdote, il faut noter que c'est dans le numéro 80 de 1972 de cette série qu'apparaît le célèbre Peter Paper (en France Sam Bot), héros bien connu des lecteurs français, avec au dessin un excellent Raoul Buzzelli, surtout dans les premiers numéros. Il s'agissait en fait d'un fin fascicule publicitaire (accompagnant ce numéro 80 de Bonnie, les deux étant sous plastique) annonçant la sortie imminente de Peter Paper numéro 1 (à deux jours près), avec quelques dessins extraits de ce numéro à paraître (voir ci-dessous). 


En plus des grands écrivains du passé, font partie du personnel artistique des "Editions Erregi" certains dessinateurs débutants, qui, grâce à cet entrainement, allaient devenir, à leur tour les meilleurs professionnels sur le marché de la bande dessinée.
C'est le cas de la série pirate Jolanda Almaviva (22 octobre 1970 au 1 aout 1974), dont l'auteur des dessins sera rendu célèbre bien plus tard. On aura reconnu le jeune Milo Manara qui, à partir du numéro 14 au numéro 61, sur 68 numéros que comporte la série, reprendra le dessin d'Armando Bonato, créateur du personnage.
-Biancaneve (18 novembre 1972 à septembre 1978), est une création graphique de Leone Frollo, héroïne inspirée du conte pour enfants et du dessin animé de Walt Disney, et qui vivra des aventures, sur 68 numéros, beaucoup plus libertines que l'histoire initiale (voir mon article sur ce personnage).
Les parodies des contes féériques inspirées par ceux des frères Grimm, Perrault, ou Andersen étaient lancées et d'autres titres érotiques furent créés pour l'occasion, comme Sexy favole, Strafiabe, Fiabe Colorate, Cenerentola, Pinocchio, Capucetto Rosso…
-Zora (18 septembre 1972 à septembre 1985), qui est une série vampirique sera très appréciée, sur des scénarios de Giuseppe Pederiali /Rubino Ventura, et au dessin très soigné de Birago Balzano (certaines histoires sont aussi signées par G.Romanini, d'autres par Montanari ou Bozzoli), pour un total de 288 numéros.
Si le film insipide qui date de 2000,"Zora", ne mérite pas que l'on s'y arrête, le 33T LP par contre mérite toute notre attention. Voici un aparté sur ce disque rare.
Un disque 33T LP, "Zora", par Antonius Rex (Antonio Bartoccetti) sort en 1977, avec pour l'occasion une superbe pochette par Alessandro Biffignandi (reprise du Zora numéro 64 de la même année). Cette pochette jugée scandaleuse sera remplacée un an plus tard par une autre plus soft, rendant la première assez recherchée par les collectionneurs. Les principaux éléments d'écoute sont l'orgue d'église évidemment, et une atmosphère sombre, sur des paroles traitant d'occultisme. A l'origine l'album était un quatre titres, "Gnome" étant un titre bonus. Il faut noter que la rareté de ce 33T se trouve diminuée de nos jours par une réédition en CD qui date de 2010 incluant en supplément une musique inédite (The Monastery, qui dure 9:32).
Antonius Rex avait déjà en 1969 avec son second groupe: "Jacula", fondé en 1968 (le premier étant: "Dietro Noi Deserto" 1966/1967), sortit un premier 33T LP enregistré à Londres, tiré à 300 exemplaires (plus 10 promos), intitulé "Jacula In Cauda Semper Stat Venenum" (Gnome LP), dont la pochette reprenait déjà une couverture des fumetti per adulti, le Terror numéro 27 (voir plus bas ce 33T LP aujourd'hui quasi introuvable, car jamais vraiment vendu mais distribué directement aux pratiquants d'ésotérisme ou aux sectes amatrices d'occultisme).
Je précise quand même pour les ….fans que le disque original de 1969 est encore disponible directement auprès de l'artiste (véridique), pour la "modique" somme de 2100euro. Pour ce prix là, l'album est signé par l'artiste et les musiciens. Ou alors disponible en réédition CD, entre 20 et 50euro…au choix.
Attention leur second album "Jacula Tardo Pede In Magiam Versus" et qui date de 1972, avec un tirage de 1000 exemplaires, reprend la pochette de "Jacula In Cauda Semper Stat Venenum" mais cette fois-ci en couleurs et contenant des titres complètement différents (voir plus bas). 


J'ai personnellement écouté ces deux disques, et si vous aimez le genre des films de la "Hammer": gothique-planant, avec des relents de mystères et des ambiances sépulcrales, vous ne serez pas déçus. J'ai particulièrement aimé, surtout lorsque l'on sait que ces deux disques datent pour le premier de 1969 et le second de 1972 et qu'ils étaient complètement novateurs à l'époque…
Petite anecdote : Rubino Ventura, crédité officiellement de nos jours comme scénariste pour la plupart des séries "Edifumetto" (il apparait pourtant sous son vrai nom: Giuseppe Pederiali, dès 1969 sur L'almanacco del Diavolo au coté de Renzo Barbieri, dans la collection I playboy's), écrivant des histoires pour Biancaneve, Lucifera, Naga, Casino, Yra, Fiabe Proibite, Zora… resta toujours dans l'ombre et personne ne sut jamais qui il était vraiment, jusqu'a ce que récemment son nom soit révélé (officiellement je le répète): Giuseppe Pederiali, scénariste et romancier italien né à Finale Emilia en 1937, et écrivain reconnu dans son pays où il a écrit de nombreux livres. 


Toutefois, il n'y aura pas que des héroïnes chez cet éditeur, mais aussi des héros, dont le moins connu n'est pas Peter Paper, d'octobre 1972 à juin 1975 sur 32 numéros pour la première série, et septembre 1976 à décembre 1978 sur 28 numéros pour la seconde série aux " Edt Ediperiodici ", mais aussi des titres comme Al Capone (9 octobre 1967 au 7 décembre 1968) sur 15 numéros. Ce titre, qui était dessiné par Stelio Fenzo (futur dessinateur de Jungla), fut pendant un temps le digne successeur des fumetti neri, mais la "Sessentasei" s'aperçut que l'heure des héroïnes était venue et en 1968, s'abordât le titre qui fut remplacé par Bonnie, qui profitait de surcroit du lancement du film "Bonnie and Clyde" (la couverture du numéro 5 reprend d'ailleurs le visage de l'actrice Faye Dunaway).
-CAP (29 novembre 1966 au 28 février 1967) sur deux séries de 1 à 3 et 1 à 8, qui devient Belfagor au numéro 9 (14 mars 1967 au 27 mars 1969) sur 48 numéros, et qui sera dessiné par Leone Cimpellin.
-Domino (10 mai 1967 à novembre 1970) sur 10 numéros…la plupart de ces séries sont inédites en France.
Lorsque, en 1972, Barbieri et Cavedon décident de se séparer (pour d'obscures raisons), de nombreux dessinateurs et collaborateurs "d'Erregi" quittent l'aventure, avec armes et bagages, ce qui donnera la vie à une autre maison d'édition de bandes dessinées.
G.Cavedon, était le propriétaire de la quasi-totalité des titres créés jusque-là; ils continueront mais renaitront sous un nouveau logo : "Ediperiodici".
Plusieurs titres seront repris et continueront chez cet éditeur et de cette séparation d'autres titres viendront et pas des moindres, comme Maghella dessinée par Dino Leonetti (du 11 janvier 1974 à mars 1981) sur 140 numéros. Elle sera la plus appréciée en France et aura commencé auparavant sa carrière dans le Menelik N° 1 de novembre 1973, une revue dédiée à l'érotisme et à l'humour.
-Mortimer (juin 1973 à mai 1974) série de Western très appréciée et qui sera dessinée par Victor de la Fuente sur 12 numéros et dont les 9 premiers seront en couleurs; ce fait assez rare sera marqué sur les couvertures pour bien le signaler.
Les séries, De Sade du "Studio Rosi" (inédite en France), Oltretomba, Casinella de Dino Leonetti, Incubi, Pig (inédite en France car autocensurée pour cause de zoophilie), Stori blu, Terror blu, Zordon par Bruno Marraffa…suivront par la suite.
R.Barbieri, à son tour, crée de nouveaux titres, plus de deux cents sur près de 30 années, y compris en nouveautés et réimpressions, avec parfois aussi une incursion dans d'autres domaines que l'érotisme, comme la série Albi Nuovi…série de bandes dessinées sur 26 numéros en 1979, et qui est entièrement religieuse (paradoxe intéressant pour un éditeur qui ne faisait quasiment que de l'érotisme).
D'autres labels naitront de l'édition "Edifumetto" de Renzo Barbieri : Editions "Geis", "Segi" et par la suite les publications "Squalo" (Squale/requin) dont il fera son logo officiel et aussi "Renzo Barbieri srl", "Comics Editore srl". 


Le Ménelik numéro 1 de novembre 1973 avec la première apparition de Maghella, ainsi que la publicité (qui est tirée directement de la couverture originale et qui se trouve être dans le bon sens par rapport à l'édition imprimée, voir plus bas) pour la sortie du Maghella numéro 1 en janvier 1974.


Petite anecdote : c'est dans le magazine ZIP en 1971 que seraient apparus les premiers poils pubiens puis dans Menelik, magazine humoristico-érotique (couvertures d'Aslan pour certains numéros). 


La marque de Renzo Barbieri sur un de ses bateaux et le logo apposé sur ses livres.
Je parle du requin pas de la fille...bien sûr. 

C'est dans ce contexte et jusqu'au milieu des années quatre-vingts, période où se termine l'aventure éditoriale, qu'"Edifumetto" se sera vu progressivement s'étendre à plus d'une centaine de titres. Ce fut une expérience unique qui, compte tenu de la nécessité de produire rapidement, a permis à de nombreux professionnels de travailler même pendant les crises cycliques qui ont frappé les dernières décennies de la bande dessinée.
Editeur, journaliste, écrivain, Renzo Barbieri, homme à multiples facettes, est sans conteste le plus célèbre et quasiment une star de l'édition transalpine. Depuis le milieu des années soixante, R.Barbieri a bouleversé la tradition de la bande dessinée italienne, déroutant et faisant fi de la morale. Involontairement, il aura fourni également de nouvelles idées pour le cinéma et la télévision, qui, dans ces années ont vu l'émergence des films à connotation légères, ou sexys.
La bande dessinée, toutefois, ne put rivaliser longtemps avec les vidéos-cassettes. C'est pourquoi, au milieu des années quatre-vingt, le phénomène des BD de poche pour les adultes perdent le marché, allant de cent mille exemplaires en circulation pendant les années soixante à douze mille, avec l'effondrement de ce marché. Barbieri, ne reculera cependant pas et créera même de nouvelles éditions (Edifumetto 3000, Squalo) et de nouveaux titres, et donc aussi de nouveaux succès, ce qui amène ces titres à continuer, comme avec les titres Paninari (150 000 exemplaires par numéro), Wrestling, Skate et Swinssmania, jusqu'en 2002, quand se terminera et fermera la maison d'éditions éditoriale Squalo / Barbieri


Logo Edifumetto

logo Ediperiodici

 

Renzo Barbieri : 

  • Renzo Barbieri est né le 3 Octobre 1933 à Milan, via Carlo Alberto. Son frère Gian Paolo, plus jeune de cinq ans, deviendra l'un des cinq plus prestigieux photographes au monde. Son père Mario, a lutté pendant la guerre comme légionnaire, et il est entre les deux guerres mondiales, directeur général de la chaîne de magasins Galtrucco.
Lorsqu'il avait 20 ans, Barbieri, entre une BD et un Roman et avant de débuter son activité journalistique, invente le personnage de "Pierre" pour des marques automobiles de prestige.
L'ASA Mille était une usine milanaise qui fabriquait de luxueuses autos roulant à plus de 200 kms heures, habillées par Bertone et avec un moteur Ferrari.
Il a utilisé "Pierre" également pour Lamborghini et a assuré la promotion de sociétés prestigieuses, comme Ferrari. Plus important encore, il a travaillé pour les clubs de nuit les plus fréquentés de Milan, comme le "Stork Club", le "Charly Max", groupe dirigé par Rino Scrigna, patron dell'Astoria, de "Maxim", de "Ciro's", et du Restaurant "la Barca d'Oro".
Dans cette activité frénétique, Barbieri travaille aussi comme écrivain de bandes dessinées, auteur de romans et chroniqueur pour plusieurs journaux avant d'atterrir à "La Notte", dirigé par son ami Nino Nutrizio.
Sa vie est marquée par un rythme infernal : la tournée des boîtes de nuit jusqu'à l'aube, et en été, les promenades le long de la côte, pour capturer les moments importants avec les stars de l'époque, ne dormant souvent que 4h par nuit.
Dans ces temps là, il commence à raconter ses premières histoires pour la bande dessinée pour Tristano Torelli, un nom célèbre dans ce domaine, éditeur et scénariste, avec des succès comme par exemple Billy Rock, il Piccolo Sceriffo, Sciuscia et Nat del Santa Cruz, El Coyote, Dick Fulmine, James Dyan, Timbergek… 

Pléiade de revues des années 40 et 50, avec la première carte de visite de Renzo Barbieri, où il est marqué : Renzo Barbieri Studios, per la realizzazione di romanzi - racconti - westerns - comics - gialli - d'avventure - storie a fumetti - scketchs pubblicitari - soggetti cinematografici - copioni di riviste.

En 1966, il lui vient l'idée de devenir éditeur et auteur de fumetti avec une prédisposition pour deux thèmes assez forts : sexe et horreur.
Il raconte :
" Une nuit à Genève, par hasard, j'ai saisi un certain nombre de Killing en français qui était en vente. Cela a été le coup de foudre. Pour démarrer en tant qu'éditeur et grâce au night club, le "Charly Max", qui m'a prêté de l'argent et que je devais rembourser dès que je le pourrai…j'ai commencé mon activité. Merci encore à ce généreux donateur grâce auquel j'ai pu fonder ma première maison d'édition, la "Sessantasei". C'était le temps "d'Angélique marquise des anges" (héroïne créée par Anne et Serge Golon, NDA). Je créais donc Isabella, et c'était aussi l'époque de James Bond, l'agent 007 qui me permettait ainsi de créer Goldrake"


Ensuite vient l'association avec Giorgio Cavedon et en 1972 leur séparation, qui permettra à ce dernier de fonder la "Ediperiodici".
Puis seront amenés sur le devant de la scène des titres comme Biancaneve ou Zora, destinés à devenir des monuments de la bande dessinée en Italie.
En 1975, Barbieri -donc "Edifumetto"- fonde les "Editions del Vascello", qui publieront en format poche une bande de grande qualité, lo Sconosciuto de Magnus, entre autres (qui sera le premier fumetti per adulti pornographique, avec représentation de l'acte sexuel en entier et plus….et sera aussi le premier fumetti de chez "Edifumetto / Vascello" à être réédité).
De 1972 à 1979, l'auteur et éditeur Milanais écrira plus de sept cents scénarios.
Son dessinateur fétiche et infatigable, d'après ses dires, restera Sandro Angiolini, le créateur graphique de ses premières œuvres.
Ecrivain à succès dès 1954 grâce à son premier livre "Vitellini", il écrira ensuite "La Principessa", qui sortira avec un tirage d'un million d'exemplaires, rééditions comprises.
Son coup le plus ingénieux est un livre dédicacé à Tamara Baroni (une très belle fille et miss élégance en Italie en 1967), vendu avec une touffe de poils pubiens de l'héroïne. L'objet fétiche, était en fait des cheveux de perruques coupées et scellées dans de petits sacs plastiques transparents collés sur les couvertures des livres. Le stock se vendit comme des petits pains.
Son Manuale del playboy, écrit en une nuit et datant de 1967, sera mis à jour avec les nouvelles éditions tous les trois, quatre ans. 


Le contact français, ELVIFRANCE : 

  • Georges Bielec est né le 21 octobre 1936 et est décédé en juillet 1993. Cet ancien acteur avait multiplié les expériences dans la presse avant de collaborer, dès décembre 1964, avec diverses sociétés créées par Max Canal, dont les "Editions de Poche", "Idées Images", "Edit-Europ". Ceux-ci, qui s'occupaient de photoromans ou de BD à consonance policière ou de guerre (Hold-up, Razzia, Trafics, La Mafia …Tobrouk, Torpilles, Alerte, Rafales…), décident de s'orienter vers les publications adultes. Provenant de matériel Italien, les " fumetti neri ", légèrement érotiques, seront édités sous des titres comme Demoniak, Kriminal, Messaline ou Goldrake, deux titres qui font parties des "Edt RG" pour ces deux derniers.
  • Renzo Barbieri et Giorgio Cavedon (Edt Erregi, RG) le contacteront en 1969 (qui sera donc pour le coup une année vraiment érotique…comme chanté par Serge Gainsbourg) pour lui demander de s'occuper de la future maison d'éditions qu'ils veulent créer en France via "Elvipress S.A", qui appartient aux deux créateurs/éditeurs italiens et qui était à cette adresse -Via Al Forte 2, 6901 Lugano- en Suisse, (en fait c'était une simple boite aux lettres).
En effet, Max Canal n'a pas payé certains droits et les deux italiens mécontents décident de confier la gestion de leurs titres à G.Bielec, pour la France. C'est ainsi que le 28 avril 1970, débutent les "Edt ELVIFRANCE", dont le siège social et les bureaux seront au 7 villa Robert-Lindet à Paris. Avec Isabella et Jungla comme premières publications à paraître, l'aventure pouvait commencer… 


L'arrivée imminente d'Isabella et de Jungla en France en juin 1970, annoncée par un courrier provenant d'Italie, des "Edt RG" (document aimablement passé par Bernard Joubert tiré de ses archives et dossiers EF).


Interview donné par Renzo Barbieri à Graziano Origa en 2002.
J'ai sélectionné le passage qui nous intéressera ici : l'époque des fumetti per adulti.

1966 (Edizioni Sessantasei 66) : 

GRAZIANO :... Comment et quand avec vous eu l'idée de devenir éditeur et auteur de bandes dessinées de pockets sexe & horreur? ... 

RENZO : Une nuit à Genève, ceux de "L'ASA Mille" pour qui je travaillais, m'ont forcé à partir immédiatement pour Milan. Il était minuit. Impossible de prendre un taxi, une tempête de neige faisait rage comme en Sibérie. J'ai du rejoindre à pied la gare, trempé jusqu'aux os. Dans un kiosque à journaux, j'ai saisi au hasard des bandes dessinées pour tuer le temps, des numéros de Kriminal (dans une autre version il s'agit de roman-photos français Killing) édité par Andrea Horn. J'ai feuilleté cela et je me suis dit : "je pourrais écrire quelque chose d'aussi sympathique, sans problème". 

GRAZIANO : Je pense qu'en 1965 Kriminal de Magnus et Bunker se vendaient à plus de 50.000 exemplaires ... 

RENZO : Oui et j'ai décidé d'arrêter les relations publiques ainsi que le journalisme. Ce ne fut pas chose facile. Quatre lire pour payer le loyer du siège de la société et un acompte au typographe.
Je serai reconnaissant toute ma vie à la fille qui s'occupait du vestiaire du night club "Charly Max", elle était ma confidente lors de nuits interminables et elle me donna son livret d'épargne en me disant : "tu me les rendras quand tu pourras". 

GRAZIANO : Je sais que, deux mois plus tard, avec les premières ventes d'Isabella et Goldrake vous deviez les lui rendre avec beaucoup d'intérêt ... 

RENZO : Mon frère, s'installant à Rome sans un sou, c'était une vie très dure. Il habitait avec Alain Delon, lui aussi en quête de fortune et de succès et avec lequel il partageait une chambre (heu oui oui, -sic- NDA). Ils allaient vers onze heures du matin à la gare "Termini" escalader en cachette les wagons-restaurants et s'approvisionner en pain et nourriture. Alors, ils assuraient leur "repas" de la journée. 

GRAZIANO : Tout seul mais déterminé, avec l'argent prêté par la fille qui travaillait au vestiaire du "Charly Max", vous fondez la maison d'édition "Sessantesei" au printemps de cette année là. 

RENZO : C'était le temps "d'Angélique Marquise des anges". Dans cette lignée est née Isabella, Duchesse du Diable et avec le succès des James Bond 007 l'agent Goldrake, le Playboy. Depuis mes débuts d'écrivain à la fin des années 40, j'ai presque toujours donné à mes personnages des visages d'acteurs célèbres, James Dean, Marilyn Monroe, Rock Hudson. Pour Goldrake, j'ai décidé que ce serait Jean Paul Belmondo. Idée qui s'est avérée très fructueuse.

GRAZIANO : Les "Editions RG" prennent vie en Janvier 1967, avec Giorgio Cavedon le jazzman et entrepreneur, ainsi que vous et votre frère Giorgio, juste après la création des "Editions Sessantasei". Ensemble, vous vous jetez à corps perdu dans la bande dessinée. Votre seul concurrent étant les éditions "Furio Viano" ... 

RENZO : Oui et aujourd'hui Messaline, Belphégor, Lucifera, Jacula, de Sade, Lucrèce, Terror, Biancaneve, … sont devenus des objets de culte autant que Clint Eastwood et le "western spaghetti". 

1972 (Edifumetto) : 

GRAZIANO : En 1972, vous êtes arrivé à Milan da Cagliari, vous avez ouvert un studio et les éditeurs et auteurs ont commencé à produire quantité de séries, comme pour l'éditeur " Puleio " (Coxeman, Lady Lust, Rolls Royce), pour "Furio Viano" (Misterlady, Helga) "Ediperiodici" ( Zordon, Maghella) et pour la toute naissante "Edifumetto" (Biancaneve, Sexy Favole, Fiabe Proibite, Araxam) ... 

RENZO : Après un bref passage avec les "Editions SEGI" (1972), un avant-poste que j'avais créé après certaines divergences sur la ligne de conduite éditoriale avec mon défunt partenaire G.Cavedon et l'arrêt avec "Erregi", "Edifumetto" nait le 1 janvier 1973 et se situe dans la Via Redi 22 à Milan. À ce moment même, G.Cavedon créé et commence une nouvelle maison d'édition : "Ediperiodici".
Ce ne fut pas une tâche facile, mais une belle réussite au bout de deux ans.
Et les deux titres phares, Zora et Biancaneve ont ouvert la voie à la marque " Squalo ".
En bref, "Edifumetto" envahit les kiosques à journaux en publiant une bande dessinée par jour et divers suppléments aux séries. 

GRAZIANO : Quand Zora, après près de deux cents numéros, était sur le point de s'arrêter, commençait Sukia, une vampire moderne incluant des garçons qui étaient gays: une autre grande réussite. 

RENZO : Un travail épuisant, sans repos pour ma part, car j'ai été impliqué dans l'écriture des scénarii, conseillé pour les dessinateurs, à l'imprimerie, l'entreposage, le recyclage des invendus. Des vacances limitées à seulement quelques jours: Noël et août. Je me souviens d'une semaine passée à l'occasion de Pâques dans un entrepôt géant, à décider ce qui devait être publié l'été. 

GRAZIANO : La "Edifumetto" a publié de tout pendant cette période, y compris pour les jeunes enfants, comme Pink Panther ...

RENZO : ...Oui exact et pour les garçons, Jésus, Coyote, Koko, Paninaro, UFO, Lupo Bianco, Mar i el su delfino, Zan, mais la vérité est que je n'avais pas suffisamment de temps pour explorer cette partie éditoriale, qui sera enrichie plus tard par d'autres magazines comme Skate,Wresting, Skate, Swissmania, Usa Magazine, Enigmistica 2000, Jolly Club, Issimo. J'ai publié de tout, du sacré au profane, de Padre Pio à Jeanne d'Arc en passant par Biancaneve

GRAZIANO : Je trouve que les "Editions del Vascello" de 1975 ont publié de nombreux poches de très grande qualité, par exemple Lo Sconosciuto de Magnus ... 

RENZO : J'avais fait renaitre les "Edt del Vascello" pour une raison nostalgique. Je voulais faire revivre le nom "del Vascello" qui datait de 1959, lorsque pour une demi lire, j'avais imprimé et personnellement distribué dans les librairies "lombardes" et "liguri" quelques volumes et romans "La Fanfare du Soleil", dans lequel en 1962 le metteur en scène Oscar De Fine avait tiré un film, "Whisky a Mezzogiorno" avec Corrado Pani, Nino Besozzi, Lida Ferro, Vera Worth et je ne me rappelle plus quels autres acteurs. Mon frère qui apparaissait déjà sur la couverture du livre a également travaillé dans le film, car ne pouvant pas me permettre de payer un illustrateur, de toute évidence, il prit des photos de lui avec beaucoup de succès d'ailleurs. Ensuite, je transformais la "Edifumetto Srl" en "S.p.a" et les "Edt del Vascello" furent incorporées dans la nouvelle société.

Dessinateurs (S. Angiolini) : 

RENZO : Entre 1972 et 1979, le travail et les affaires fonctionnaient bien. Pour moi, travaillaient en effet 107 dessinateurs, y compris ceux des "Studio Montanari", ceux du "Studio Origa" et de "Rossi", "Tenenti", "Leonetti". Et parmi tous ces artistes, le plus précieux pour moi est mon vieil ami, Alessandro Biffignandi qui a fait plus de 50% des couvertures de mes publications. Mais aussi d'autres illustrateurs comme Dangelico, Jacono, Carcupino, Taglietti, Thole. Mais mon préféré, artistiquement parlant, restera Roberto Molino. Parmi les autres créateurs artistiques, certaines contributions importantes, comme celles de Frollo, Fenzo, Pavone, Marraffa, Cimpellin, Romanini et Terenghi qui nous ont régalées de quelques histoires savoureuses.
(Les premières couvertures pour les "Edt Sessentasei" ont été peintes par Sandro Angiolini, mais la production de titres devenant très importante, il sera secondé par la suite et pour "Ereggi" par Leandro Biffi. Ils seront rejoints plus tard par Giovanni di Stefano, dessinateur de la série Hessa, du "Studio Rossi" et enfin par Alessandro Biffignandi. NDA)

GRAZIANO : Sandro Angiolini, vous a accompagné durant la plupart de votre vie ...

RENZO : Un travailleur infatigable, un haut niveau de professionnalisme, des livraisons toujours ponctuelles ; il aura été le numéro un dans mon écurie.
Je pouvais recourir à lui en cas d'urgence, soit quand j'ai commencé avec Isabella et Goldrake aux " Edt Sessantasei 66 ", soit après quand je fondais "l'Edifumetto". Sandro et moi étions vraiment de grands amis. Il a été le premier dessinateur à réaliser mes scénarii alors que je n'avais pas dix-sept ans et aucune expérience avec un stylo, avec Billy Rock pour les " Edt Dardo ". Mais il m'avait aussi prodigué des conseils, même quand je créai des héros de western pour la " Dardo " qui n'étaient pas illustrés par lui, comme Timbergek, James Dyan, ou Tornado.

GRAZIANO : Votre association avec lui, après Isabella et Goldorak a continué avec "Edifumetto" pour laquelle graphiquement il créera l'excellent Una, Belzeba et La Poliziotta, et pour FurioViano la série Vartan ... 

RENZO : J'ajouterai une anecdote: ma découverte de Sandro est venue juste après la guerre.
En 1944, en regardant les dessins d'un supplément magazine humoristique, "Svéglia!" dédié aux " Forces armées de la République sociale italienne " (auquel a également collaboré le légendaire Albertarelli Rino). Ils étaient bien de lui, avec sa signature. J'ai aussi immédiatement reconnu au premier coup d'œil quelques dessins animés auxquels il avait participé comme "La Rosa di Bagdad" en 1949, (j'ai vu effectivement ce dessin animé et l'on y reconnait effectivement le style inimitable de Sandro Angiolini, bien qu'il ne soit pas crédité dans le film. NDA). J'ai gardé ces anciens documents précieusement et ce dossier, nommé "Posto di Ristoro/Poste de détente", aujourd'hui, je le conserve encore comme un "objet fétiche/de la destinée". 



2002 (les derniers feux) : 

GRAZIANO : Les années soixante ont été révolutionnaires, mais les soixante-dix ont représenté pour vous l'âge d'or de la bande dessinée d'horreur-érotique. 

RENZO : J'ai, il est vrai, tordu les canons de la tradition de la bande dessinée italienne, et en même temps je terrassais la censure et les moralistes, les bien-pensants. Sans le savoir, également j'ai ouvert de nouveaux espaces pour le cinéma et la télévision: les premiers films légers à paraître au cinéma le furent avec Edwige Fenech et Alvaro Vitali, avec des films comme pour la trilogie "La poliziotta" ou "l'insegnante". (-La flic- ou -L'enseignante-).
Enzo Trapani déshabilla les chanteuses à la télé, les revues "Men" et "El Oro" donnèrent du travail à toutes les belles 'Velines' qui aspiraient au succès.
(Les Velines sont des filles un peu dénudées que vous pouviez voir dans pas mal de talk show en Italie. Elles sont généralement peu habillées et elles dansent en se trémoussant devant la camera pendant les transitions entre 2 sujets).
Mais la bande dessinée ne pouvait pas, certes, soutenir la comparaison avec des voix et des images en mouvements. Le marché des vidéos-cassettes commença à fleurir et arriva l'écroulement définitif. Lentement, mais inexorablement, et en peu de temps mes pockets perdirent tout motif d'intérêt.
Si à une époque les ventes ont pu atteindre les 100 000 exemplaires, dans la seconde moitié des années 80 les tirages étaient de 12 000 pour des ventes qui atteignaient à peine 3 000 numéros.
Le jeu n'en valait plus la chandelle. Mais je n'avais pas renoncé à poursuivre mes autres éditions (Edifumetto 3000, Squalo Comics, etc ...) ainsi que d'autres publications jusqu'en 2002. Quand j'ai stoppé définitivement toutes mes entreprises, je fêtais mes 30 ans d'aventure avec "Edifumetto". Maintenant je suis assis près de ma piscine à boire un jus de citron " Tassoni ". Rideau. 


Renzo Barbieri (photo par son frère Gian Paolo Barbieri), dessin Biancaneve de Leone Frollo.

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Interview donné par Giorgo Cavedon à Graziella Di Prospero en 1972.
J'ai sélectionné le passage qui nous intéressera ici : la création d'Isabella

GRAZIELLA : Giorgio Cavedon, extraverti, apparemment pas trop tatillon et rigolard, qui donna vie à Isabella en 1966, admet qu'il ne connaissait pas la formule pour créer un personnage, juste un mélange de telle ou telle caractéristique de héros comme l'ont déjà testé les sœurs Giussani (créatrices de Diabolik) et qu'à l'exception de Mickey, il n'avait jamais lu une bande dessinée de sa vie.

GIORGIO : J'ai créé Isabella -dit-il innocemment- d'un profond besoin de survie. J'ai été de ceux qui avaient fait un peu de tout, travaillant dans l'industrie du journalisme, du cinéma, et du jazz. Si j'avais réussi quelque chose avec le jazz, ayant également enregistré plusieurs disques avec le " Milan Jazz Collège Society ", j'ai réalisé que cette forme d'expression -d'art- était en Italie un discours réservé à une élite depuis quelques années, et moi j'avais besoin d'en parler aux gens, de partager ça. Une solution aurait pu être un film, moyen d'expression que j'aimais énormément, mais je ne voulais pas dépendre de quelqu'un pour ensuite tomber dans l'anonymat et disparaitre. Du fait de cette peur et étant simplement incapable de souffrir, j'ai choisi ma dernière chance, la bande dessinée.
J'allais avoir 35 ans, une femme et deux enfants ; je me suis dit : "si cela ne fonctionne pas, je me consolerai dans des soirées au Piano-bar".

GRAZIELLA : Mais l'idée était bonne, parce que fondamentalement Isabella s'est également inspirée de quelque chose qui avait déjà fait ses preuves. 

GIORGIO : Certes, Isabella était un dérivatif du film "Angélique marquise des anges", mais seulement d'un point de vue historique, car si l'une était "Marquise des anges", l'autre était "Duchesse du diable".
Cela a été un point de départ, une idée de base qui m'a donnée une certaine tranquillité d'esprit et qui a été nécessaire pour me déplacer dans une industrie où j'étais totalement ou quasiment inconnu. Mais Isabella a eu une période de gestation, d'incubation, auprès du public, jusqu'à ce que je puisse indiquer que le personnage était de moi. 

GRAZIELLA : G.Cavedon nous a confié qu'il y avait une période initiale pendant laquelle il a écrit avec une incroyable passion, à cause de l'anxiété de savoir comment il allait résoudre certaines situations dans lesquelles les protagonistes étaient tombés. Dans Isabella, il y avait tellement d'événements qu'il n'avait des fois pas le temps de développer les histoires ni de faire part de certaines de ses solutions narratives, parce que malgré son envie de perfectionnement, il lui faudrait courir à l'imprimante et retirer la plupart des pages déjà imprimées de manière à changer l'histoire.
Ainsi, comme cela s'est produit avec les sœurs Giussani, Cavedon a également été conditionné par sa création. Dans ce cas celui-ci fut élevé à l'ombre d'une mère très catholique qui prêchait que le mariage entre l'homme et la femme devait s'obtenir dans la pureté et qui soulevait l'idée que la femme soit "ou une putain ou une sainte", donc sa blonde héroïne désinhibée a toute la saveur d'une vengeance inconsciente.

GIORGIO : Ma mère m'avait condamné à l'enfer fut un temps et c'est seulement maintenant, il me semble, qu'elle veuille plus m'orienter vers le purgatoire car elle s'est tout de même un peu faite à cette idée. (Rires).

GRAZIELLA : Qu'est-ce qu'a voulu exprimer Cavedon avec Isabella ?

GIORGIO : L'intention était de créer un personnage qui serait une femme. Un type de femme qui serait étonnante et aventureuse, dans le sens où certaines actions à ce jour venaient toujours du fait d'un seul héros de sexe masculin.
Une femme capable de résoudre seule ses problèmes, tout en conservant sa féminité, mais aussi ses faiblesses et certaines contradictions, ainsi que des pulsions irrationnelles, typiques des femmes. (Rires) 

GRAZIELLA : Ce n'est pas un hasard, alors qu'Isabella a été capturée et maltraitée depuis les premiers numéros et qu'une grande partie des lecteurs, dont beaucoup ont vu se développer au fur et à mesure la psychologie du personnage, souhaitent d'autres héroïnes comme elle. Bien que fascinant et exerçant une attraction sur les lecteurs et lectrices, le héros qui résout tout et tout seul, accompagné juste quelques fois par des amies qui l'aident juste "par dessus son épaule", qu'elles soient très actives, mais finalement justes bonnes à s'attirer des ennuis dans le seul but d'être sauvées, peut lasser le public.
Pour preuve de la grande puissance exercée sur les lecteurs des deux sexes pour Isabella dès 1966, il faut se rendre compte de l'avalanche de lettres qu'elle a reçue jusqu'à aujourd'hui. Les plus importantes et les plus représentatives ont été rassemblées dans une brochure intitulée "Cara Isabella" :
des témoignages incroyables, parfois honteux, parfois des expériences extrêmes ou simplement des fantasmes, des désirs particuliers et des confidences à une héroïne fantôme sur papier, afin d'essayer de comprendre leurs propres complexes et leurs tabous et par contre dans certains rares cas, non publiés. 

L'initiative de cet ouvrage nous semble être un élément bien distinctif par rapport à la bande dessinée de masse. Pour la première fois dans l'histoire des comics, la fine membrane tombe entre le héros de papier d'une partie, et le lecteur de l'autre. La bande dessinée dépasse sa fonction originelle de simple lecture d'évasion, en établissant un lien direct avec le héros ou l'héroïne désigné. Celle-ci sort d'entre les pages dans lesquelles elle était maintenue enfermée, pour devenir palpable, vivante, dépassant la limite dans laquelle elle évoluait, pour devenir presque chair, sang et os.

Mais après toutes ces années (dix pour Diabolik et six pour Isabella), les auteurs qui donnent vie aux aventures de leurs personnages sont-ils toujours les mêmes ? 

GIORGIO : Nous avons quelques collaborateurs et les idées sont nombreuses, mais chaque idée doit avoir une logique de fer dans son déroulement et être en relation avec les autres pour que tout aille bien.
Il arrive souvent que certaines idées soient fulgurantes et très efficaces, mais qui sont des fins en elles-mêmes…
(Ce ne fut pas le cas d'Isabella qui dura quand même plus de 10ans NDA). 

Les Editions Furio Viano et autres éditeurs : 

Vers la fin des années soixante, d'autres éditeurs sérieux de bandes dessinées viennent se placer à coté de Renzo Barbieri et Giorgio Cavedon.
Parmi ces derniers, Ugo Dal Buono ("Editions Sie / La Terza") et Erasmo Buzzacchi ("Editions Kristina") mettent sur le marché Angelica, Théodora, Saffo, Babby Satan, Satanassa, Démona, Vergine Nera, Justine et divers autres héroïnes, dont la plupart des couvertures dessinées et peintes le sont par Floriano Bozzi et sont réellement superbes. Le Sicilien Antonino Puleio ("Editions Il Momento"), fait les versions BD de Lady Lust, Rolls Royce et Coxeman, anciennes stars de romans policiers publiés par le même éditeur. Le Milanais Amos Zaccara ("Editions Stapem"), lui, préfère les magazines de blagues comme Taxi et d'horreur avec Délirium ou Raptus.
Renato Bianconi (ancien rédacteur en chef de la BD Soldino, Nonna Abelarda (en France Tartine) et de Sadik, de Nino Cannata), ne renonce pas à ses Uranella et Jessica, créées par Pier Carpi et Michele Gazzari, avec des dessins de Floriano Bozzi. La dynastie des éditeurs "Torelli" publie la BD sexy comique mexicaine, Strega Stregonza, traduit par un comédien de cabaret, Boris Makaresko. Lorsque le genre pornographique est enfin assumé, l'éditeur "Trastevere / Galassia / Galax / Mec / Edinational" publiera Pussycat et La Donna Ragna (inspirée du Spiderman de la "Marvel" et qui devra changer son nom en Donna Tarantola).
Mais avec plus de perspicacité, Furio Viano est l'un des premiers à profiter de l'opportunité qui se présente, c'est que - contrairement à d'autres éditeurs mineurs - il crée des publications de qualité. 


Durant cette même période pendant laquelle apparaissent dans les kiosques Goldrake et Isabella, Viano publie Genius, roman-photo "noir" créé par Nava et scénarisé par Luigi Naviglio, dans la même veine que Diabolik. En 1969, sort une version en BD de Genius, écrite par Mario Gomboli et conçue par une nouvelle recrue, Milo Manara. L'éditeur milanais publie aussi la série érotico-violente, Helga, dessinée par Enzo Magni (Ingame), le créateur graphique de Pantera Bionda (1948). Au cours des années soixante-dix, Viano édite une nouvelle série, avec la pirate Jolanka (en 1970, un an avant la presque du même nom Jolanda, aux "Edt Erregi") et Misterlady (1975), qui marque les débuts dans la bande dessinée de Riboldi Eneas, qui avait aussi travaillé sur Maghella, et qui est aujourd'hui dessinateur des couvertures de Dampyr chez "Sergio Bonelli Editore". 

Mais le plus gros succès commercial, Viano le réussit avec la série Vartan (voir Saga en France, "Edt Elvifrance"), dont l'héroïne est une indienne blonde, fille d'une princesse Sioux et d'un lord britannique. Inspirée par la chanteuse française Sylvie Vartan, à qui elle ressemble physiquement (pin-up et chanteuse omniprésente sur les écrans de télévision durant les années soixante en Italie et dans le monde, et épouse du chanteur Johnny Hallyday), la charmante indienne est vêtue d'une veste blanche, bordée de cuir rouge, de longues bottes et coiffée d'un bandeau, que complètent une ceinture énorme avec étui et un Colt 45. Le succès de la série en Italie est assuré sur deux cents numéros, publié d'octobre 1969 à mai 1977, écrit par Furio Viano et Paolo Ghelardini et dessiné par Sandro Angiolini, qui a également fait toutes les couvertures.
Certains de ces pockets seront publiés en France. 


Liste des productions Edifumetto : 

Agenda Erotica, A Grande Richiesta, Albi Nuovi, Aldila, Amerika 2000, Amiche Mie, Amore Mio, Amori Scandalosi, Araxam della Preistoria, Argento, Arrivano Gli UFO, Astraogenda, Attualita Flash, Attualita Gialla, Attualita Nera, Attualita Nera Extra, Attualita Proibita, Attualita Supernera, Azzurra, Baby Dracula, Banda Kennedy, Battagile Stellari, Batty & Gay, Belli di Notte, Belzeba, Beverly Fan, Biancaneve, Bionika, Black Jack, Black Out, Blu, Briganti, Burino Doc, Calendario 2002, Camionista, Carnet del Playboy, Carolina, Casinista, Casino, Cat Blody, Cenerentola, 100 giochi, 150 Giochi, Cesarino, Cieli degli UFO, Cimiteria, Cioci & Tato, Clik, Colline Stregate, Compagnia della Forca, Confessioni Intime, Coyote, Crimen, Cronaca Nera, Cronaca Nuda, Cuore, Dallas, Din Don, Donna Blu, Dossier Fumetto, Dott Barnard, Dottoressa, Draculino, Draghi, Dritti, Duchessa, Enigmistica, Extra, Fan, Fantaorror, Fasma, Fata Turchina, Fatti Oggi, Favolette Sexy, Fergie la Rossa, Fiabe Colorate, Fiabe Proibite, Fichissime Strix, Film della Luce Rossa, Flash, Floch Gordon, Folk, Fox, Frankenstein, Fumetti dell'Orrore, Fumettoni, Fumetto Oroscopo, Fuzzy, Gatta, Gialla, Gialli della Luce Rossa, Gialloni, Gigetto, Giuseppe Verdi, Gol !, Golscandalo, Grand Oroscopo, Grandi Romanzi d'a More e di Spada, Guarire con le Erbe, Guerra e Sesso, Guida per Viverre da Nababbi, Holocaust, Hostess, Igor, Inferno, Intoccabili, Issimo, Jeans, Jesus, Jolly, Jurassic Strip, Karzan, Kazonga, King del Fumetto, Klic Klac, Koko, Kondor, Lady Domina, Lando, Lardoso, Leghista, Libri della Luce Gialla, Libri della Luce Rossa, Lupo Bianco, Macabro, Macho, Mafia, Magnus, Malavita Internazionale, Manuale del Cavaliere, Manuale del Playboy, Marchesa del Tigullio, Mar e il suo Delfino, Mezzanotte, Miliardaria, Misteria, Mix fumetti, Mondo Carrotto, Moschettiera, Naga, Necron, Nera, Nera Express, Neri della Luce Rossa, Nobel del Fumetto, Non solo Inglese, Non Stop, Notturni, Occulto, Odeon, Oroscopo Demoniaco, Orror, Orror Nero, Paninaro, Pantera Rosa, Paparazzo, Parolacce alla Radio, Peccati, Peccati di Lady D, Peccatrice, Pierino, Pinocchio, Playcolt, Poliziotta, Pompea, Pornostar, Potenti, Preppy, Professionista, 4 Risate, 40 Gradi, 44 Magnum, Quei due della Luce Rossa, Ragazzi della 3° B, Ragazzi Sport, Raimbo, Ratman, Realta Misteriosa, Record, Reporter, Risatissime, Rolando del Fico, Romantica, Romanzi della Cronaca Nera, Romanzi dell'Orrore, Rosa, Rossa, Rubrica del Cuore, Sanguinari, Sbarre, Scandali, Scheletro, Sciacallo, Scimmy, Sconosciuto, Scopona, Selezione, Sexy Card, Sexy Favole, Sherlock, Shock, Si, Skate, Sogni Azzurri, Solitario Boy, Spaghetti, Spektron, Sphero, Sport Nero, Spot Fumetti, Star, Storie Erotiche, Strafiabe, Strarisate, Stravolta, Strega, Stregoneria, Superdelitti, Super Drive In, Superfumetti, Supermarket, Super Proibita, Sukia, Swissmania, Tabu, Tam Tam, Telefilm Proibiti, Telenovela Vietata, Texana, Theo Cali, Top, Tromba, Tropici Crudeli, Tuttumpo Giochi, UFO, Ulula, Una, Usa magazine, Vampiro, Vampirissimo, Vartan, Verde, Vincere al Lotto, Viola, Vipera Bionda, Vitelloni, Wallestein, Wrestling, Yra, Yuppie, Zanzibar, Zan della Jungla, Zip, Zora, Zorro. 

Les produits dérivés : 

En Italie (contrairement à la France), et depuis les années 60 et 70, on a toujours pu trouver des produits dérivés, souvent appelés gadgets. Ils étaient axés sur les héros de bandes dessinées, que ce soit sur les personnages de Walt Disney comme Picsou, Donald (Zio Paperone et Paperino), ceux de la firme "Marvel" et ses super-héros ou bien les fumetti neri, comme Diabolik qui était souvent mis en avant, ou encore pour les fumetti per adulti, comme Isabella ou les autres héroïnes. L'héroïne Vartan était souvent d'ailleurs la plus avantagée. Vous trouverez de ce fait un nombre important de ces dérivatifs pour collectionneurs.
Voici un aperçu assez rapide de quelques uns de ces "trophées" qui datent des années soixante et soixante-dix pour la plupart, et dont certains sont de nos jours quasiment introuvables :
Médailles et porte-clés (Diabolik), disques 45T (Diabolik, Ennio Morricone), cartes à jouer (Vartan), horloges (Satanik), posters (héroïnes "Edifumetto" et autres Edt), jouets (voiture Diabolik), puzzles, autocollants (Vartan, Kriminal, Satanik), calendriers (Vartan), marque-pages (Naga), cartes de vœux (Goldrake), figurines (Diabolik, Kriminal), cartes publicitaires (Luciféra), livres jamais ouverts et encore dans les pochettes d'origines -Busta- (Vartan, Sadik, Génius), celluloïds pour l'imprimerie (Maghella), et même des étiquettes de vin (Biancaneve). 


Galerie de portraits de dessinateurs & illustrateurs italiens : 

En France, dans le début des années 70, parmi la pléthore de PF qui circulaient déjà, comme Rodéo, Captain Swing, Kiwi, Zembla, Yuma,… et que l'on pouvait voir sur les racks tournants des librairies, il fallait à "Elvifrance" un supplément pour accrocher encore plus les yeux des acheteurs potentiels de bandes dessinées.
Ce fut chose faite avec les couvertures dessinées ou peintes représentant le plus souvent des filles dénudées aux courbes plus que charmantes, et qui allaient exercer un attrait certain sur le public, et ce pendant plusieurs années. La façon dont les couvertes étaient colorées, de manières vives et éclatantes, l'était pour attirer l'œil. Ainsi, même si le contenu des BD n'était pas spécialement intéressant, les illustrations des couvertures suffisaient à faire rêver.
Ces dessinateurs ou peintres, dont les noms n'étaient pas connus à l'époque, sont aujourd'hui cités en exemple comme des maitres (el maestro) et certains sont même invités de nos jours lors de conventions sur la bande dessinée : Milo Manara, Alessandro Biffignandi, Leone Frollo, Averardo Ciriello pour ne citer qu'eux.
Alors si vous vous êtes toujours demandés à quoi pouvaient ressembler ces artistes, sans jamais les avoir vus, voici une galerie de portraits les illustrant. 


Galerie de couvertures originales italiennes : 

Pour compléter la galerie de portraits ci-dessus, voici un bel aperçu de couvertures originales peintes, de fumetti neri et per adulti des années 60 et 70.
Vous reconnaitrez aisément certaines séries, et peut être pour certains, plus avisés, quelques artistes peintres cotés ou recherchés depuis quelques années par ces mêmes collectionneurs de fumetti neri et per adulti.
Si Sandro Angiolini fit les premières couvertures pour les éditions "Sessantasei" et une partie des éditions "RG", comme pour les titres Goldrake et Isabella, le soin de dessiner par la suite les couvertures pour les série Bonnie, Lucrezia et Hessa fut confié à deux dessinateurs de grands talents: Leandro Biffi et Giovanni Di Stefano (du "Studio Rosi") qui furent appelés par la suite pour venir le seconder.
Vous pouvez d'ailleurs voir ci-dessous quelques noms des illustrateurs qui ont peints les couvertures présentes à la suite :
Luigi Corteggi, Alessandro Biffignandi, Averardo Ciriello, Leone Frollo, Pino Dangelico, Carlo Jacono, Sandro Angiolini et le "Studio Rosi". 

Le coin des collectionneurs, expositions et conventions : 

Il y a quelques années, au vu de la demande croissante de certains collectionneurs, certaines pièces comme les couvertures originales (voir ci-dessus), dessins, jouets, bandes dessinées et tous produits dérivés anciens, ont vu leurs cotes grimper en flèche en fonction de la rareté et de l'état de la pièce. Comme par exemple le numéro 1 de la première édition de Diabolik qui date de 1962 (édition qui compte énormément de retirages, complets ou partiels : en 1963, 1964, 1992, 1994, 2000, 2001, 2004, 2006, 2008, 2010), 1ère édition que j'ai vue personnellement partir à des prix affolants (aux alentours de 6500euro et plus, il y a quelques années).
Certains collectionneurs âgés (qui donc ont eu l'opportunité de pouvoir les acheter à l'époque) ou bien simplement des collectionneurs de nos jours, un peu plus fortunés que certains, peuvent donc aujourd'hui, entre guillemets, se faire plaisir.
Certaines collections sont des fois réellement impressionnantes (un exemple ci-dessous). 



Toute cette culture sur la bande dessinée se développe à notre époque par les relations internet ou bien lors de conventions à thèmes, facilitant les échanges, les rencontres et pouvant toucher un large public de nostalgiques ou bien de passionnés par ces nouvelles sources de communications.
On verra même émerger en Italie, en France ou en Belgique, et ce dès les années 70 (comme le festival d'Angoulême par ex) des expositions axées sur un personnage, un dessinateur ou bien une période spécifique. Comme par exemple la réunion qui a lieu une fois par an en Italie et qui réunit depuis 25ans les auteurs de la BD et fanatiques du personnage de Diabolik, le tout dans un esprit de franche camaraderie. 


Convention en Italie, avec un stand présentant de bien beaux numéros de Satanik, Kriminal et Diabolik.

Ces bandes dessinées de gares si décriées dans les années 70 et 80, soumises à la censure et à l'opprobre, font l'objet aujourd'hui en France et en Italie, d'expositions, et sont considérées comme faisant partie du patrimoine.
L'on peut même voir lors de conventions sur la bande dessinée, des stands comme celui-ci (voir photo ci-dessus, Angoulême 2008) des exemplaires en état neuf, considérés comme des petites raretés et présentés sous plastiques. Les couvertures originales peintes de ces mêmes pockets sont exposées comme des tableaux de maitres. Des catalogues sont édités, spécialisés dans les planches, couvertures et dessins originaux italiens (mais aussi de tous les pays ou presque). On en trouve même sur des dessinateurs bien spécifiques. Des planches originales seules, ou bien des histoires complètes sont vendues à tous les prix en fonction de l'offre et de la demande, certains dessinateurs étant plus recherchés que d'autres. Certaines histoires sont en effet cassées (ce qui est fort dommage), et les planches vendues séparément, ceci afin de vendre plus vite et plus cher. 


Catalogues italiens spécialisés dans les dessins, couvertures et planches originales, italiennes pour la plupart. Notez au milieu le catalogue qui est un numéro entièrement consacré à l'art de Leone Frollo


Rarissime histoire complète de Biancaneve dessinée par Frollo. D'après mes recherches personnelles (et très précises), sur les 26 histoires de la première série dessinées à l'origine par Leone Frollo, il n'en existe plus que 11 qui sont encore complètes de nos jours. Les autres supplementi par Frollo, Biancaneve i sette nani et la strega saffica de 1980 ainsi que Biancaneve a New York de 1990 sont aussi complets. Ce qui n'est plus le cas de Biancaneve i Favonius de 1978 et de Biancaneve il maleficio della strega de 1982 qui a été cassé très récemment. Ce chiffre bien sûr, pouvant être revu à la baisse, le temps passant… 

Luigi Corteggi, dessinateur illustrateur peintre : 

En avril 2010 à Milan, une exposition fut organisée par la "Fumetteria Supergulp" sur le peintre illustrateur Luigi Corteggi (dit Cortez).
Entre autres, l'on pouvait y voir l'auteur qui dédicaçait, mais aussi des bandes dessinées des années 60 et 70, et parallèlement, les couvertures originales, peintes de couleurs flamboyantes par cet artiste prolifique et de grand talent (le mot est faible).
Né en 1933 à Milan, Corteggi sort diplômé de l'école des beaux Arts de Brera, comme son confrère Angiolini.
Dessinateur, graphiste, publicitaire (il aura une agence durant 5ans), il fera des logos pour des entreprises commerciales, radios etc…ainsi que des couvertures ou titres/logos pour des revues.
On le découvre sur des bandes dessinées en tant que dessinateur, pour Banana et Penny en 1961, ainsi que pour Albi dell'Intrepido de l'éditeur "Casa Editrice Universo", mais juste avant ça en 1958, une collaboration pour une histoire moyenâgeuse.
Il inaugure son travail pour l'éditeur "Corno" en 1965, pour qui il travaillera plusieurs années durant, en dessinant des planches du Maschera Nera pour ensuite travailler sur les fumetti neri et des personnages qui deviendront mythiques : Alan Ford et Gesebel (dont il réalise les 12 premières couvertures), Kriminal et Satanik, toutes des créations de Magnus et Bunker.
Affichiste, on retrouve et reconnaît sa patte sur des posters et affiches pour des conventions sur la bande dessinée ou couvertures de livres sur le même thème.
Il trouve le temps de se dédier à la réalisation d'un personnage de western en 1969, Thomas, et fait aussi des cartes humoristiques, des travaux graphiques pour des revues, des encyclopédies et publications scientifiques, sans omettre son amour prioritaire pour la peinture. Ensuite, à l'arrivée des super-héros de la "Marvel", il réalisera et soignera tous les logos des titres.
Quand en 1975 il rentre chez l'éditeur Sergio Bonelli en tant que Directeur Artistique, il a la tâche de contrôler tout, de la partie technique, montages, installations typographiques, mise en page des caractères et textes, correction d'épreuves et des dessins, jusqu'à la délicate tâche de gérer les contacts avec les jeunes dessinateurs. En 1980, il dessine l'astronave perduta (l'astronef perdu), une histoire de science-fiction, et crée en 1981 tous les logos titrés des publications: Nathan Never, Mister No, Martin Mystère, Ken Parker, Dylan Dog, Nick Raider…auxquels il offre une élégance graphique jamais renouvelée dans la bande dessinée.
Travailleur infatigable et passionné d'astronomie, il va dessiner souvent pour des magazines, des illustrations allant du simple système solaire aux véhicules de science-fiction les plus fantastiques.
On retrouve également son travail sur des décors de flippers (superbes) ainsi que sur les premiers jeux-vidéos -dits d'arcade- que l'on pouvait voir dans les bars au début des années 80.
Il ne quittera pas vraiment la bande dessiné et l'on peut aussi retrouver sa signature sur des peintures de style architecturales, paysagères, surréalistes, de science-fiction ou fantastiques.
Derrière une allure impassible et caractérisé par un aplomb de gentleman anglais (avec l'immanquable pipe en bouche), se cache un artiste doué d'une grande personnalité, naturel, disponible, sympathique, mais aussi d'une humanité et d'une modestie rare. Il fera même à l'occasion de l'enseignement sur les techniques de la bande dessiné dans les écoles d'Arts.
Il est donc considéré par la critique spécialisée comme le plus célèbre Directeur Artistique du monde de la bande dessinée italienne.

Cela dit, son plus grand travail et le plus connu restera sans doute les couvertures peintes des bandes dessinées sur lesquelles il a travaillé dans les années 60 et 70, créant un grand nombre de couvertures des "Edt Corno", mais surtout sur les titres comme Kriminal, Satanik, Alan Ford, Gesebel…et il Piccolo Ranger, qui sont devenus des monuments de la BD.
Voici donc pour le plaisir des yeux, une exposition en privée et rien que pour vous…je vous laisse le soin d'admirer son talent.
Lorsque l'on voit tout ça, on peut se rendre compte que la bande dessinée en Italie a un passé historique fantastique et qu'elle a encore de grands jours devant elle… 

Lettres du magazine Cara Isabella : 

Comme convenu voici les lettres qui étaient parues dans le volume Cara Isabella.
Pour respecter la parité, vous pourrez lire deux lettres écrites par la gente féminine et les deux dernières par des hommes. 

Cara Isabella :
Je suis une femme dans la quarantaine et ton admiratrice depuis longtemps.
Ce que je vais te dire je n'ai jamais osé le révéler à personne. Ce que j'ai fait, je l'ai fait avec plaisir et je l'ai refait souvent avec conviction. Ce n'est pas facile de trouver des partenaires qui me conviennent et donc je me suis tournée vers mon fils de 17 ans (j'espère qu'il ne l'a dit à personne). Il a lui-même apprécié énormément le faire avec moi et m'a dit que depuis qu'il était petit, je lui donnais beaucoup d'amour.
Suis-je une mère un peu trop moderne ? Comment vas-tu me juger ?
Je te le répète, mais c'est vraiment plus fort que moi…
Gabriella -de la ville- de Torino

Cara Isabella :
Je suis une fille de 14 ans et je m'appelle Antonella. Je suis très désespérée, parce que la dernière fois j'étais entrain de lire une de tes revues et j'étais tellement excitée que je n'arrivais plus à me contrôler. J'ai été à la salle de bain où j'ai trouvé un bâton de 21cm de long sur 9cm de large. Alors pour calmer mon excitation, je l'ai enfilé dans mon vagin. Ce n'est qu'alors que j'ai réalisé ce que j'avais fait. J'aimerais que tu me dises si je suis encore vierge (sois sincère). Je me tourne vers toi car je ne me souviens pas avoir vu du sang parce qu'il me semble que c'est le signe de la virginité. S'il te plait réponds-moi vite sur la revue. Je suis désespérée et des fois je pense au suicide. Réponds-moi en toute sincérité.
Antonella, désespérée.

Isabella adorata :
Après avoir lu vos aventures, j'ai toujours rêvé d'être votre esclave. Les hommes ont toujours été pour vous amour ou haine, et vous avez même souvent été torturée par eux. Dans vos aventures il manque 2 choses : que vous torturiez un homme, et qu'un homme soit votre esclave. Et maintenant que vous savez ce que j'attends de vous dans vos aventures, vous savez aussi à quoi vous attendre d'un de vos servants : qui accepte d'être pris comme un esclave docile, soumis et fidèle, fouetté, torturé, de vous servir de cheval et d'être promené en laisse comme un chien.
Pouvez-vous me pardonner du fait que je me sois exprimé de façon trop directe (trop vive)...?
Si oui, écrivez moi un courrier privé en me disant si vous m'accepteriez comme esclave et ensuite (par le biais d'une annonce dans le journal) trouvez moi une "dominatrice" qui pourra m'écrire à : Patente (adresse cachée) Boite postale P.Bologna -Roma-
Ps : Mon nom est Fulvio.

Et pour terminer sur une note d'humour désinvolte : 

Cara Isabella :
Je voudrais savoir une chose sur toi. Pourquoi quand tu es en pantalon tu parais si maigre, et que quand tu l'enlèves tu parais avoir des jambes et des courbes si belles, si gracieuses et si pulpeuses ?
Pino.

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En définitive, à l'heure d'internet et des nouvelles technologies, de la pornographie facile, gratuite et accessible, ces petits formats des années 70 et leur contenu semblent bien dérisoires de nos jours et bien loin dans le temps, pratiquement oubliés même.
Seuls les nostalgiques et quelques collectionneurs pouvaient s'intéresser à cette période et peut être maintenant quelques curieux qui, après avoir lu cet article, oseront faire le plongeon et brasser toutes ces séries, dont certaines sont fantastiques certes, mais malheureusement aussi pour d'autres, bien au-delà du pire.
Si vous êtes de ces curieux, peut-être aurez vous le courage (je l'espère) de partir en apnée, pour plonger dans ces noires profondeurs et vous enfoncer plus bas…encore plus bas, mais pour mieux remonter avec des trésors, et qui sait, retrouver l'ambiance de cette époque ainsi qu'un doux parfum d'interdit, où l'apparition d'une cuisse, d'un sein, ne faisait pas lever que les yeux.
Ainsi, dans l'absolue, peut être y puiserez vous un peu des rêves qui auront bercés vos ainés…

 FIN

Pour avoir un complément d'informations à cet article, vous pouvez allez voir et lire mes autres entrefilets sur les héroïnes comme: Biancaneve, Shatane, Maghella, Yra, ou Casino…visibles sur ce site.

Remerciements :
Je tiens à remercier Marine de m'avoir aidé gentiment, avec patience d'avoir relu le texte plusieurs fois et d'avoir corrigé quelques fautes. Merci à Bernard Joubert, pour la lettre des "Edt RG", d'avoir lu mon texte et d'y avoir trouvé deux ou trois petites coquilles que j'ai arrangées par la suite. 

JL PARKER033

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