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Les années 60, les fumetti neri : Dans l'Italie du début des années soixante,
les jeunes italiens sont à l'écoute des
nouveautés en provenance de certains pays, des
Etats-Unis surtout. La raison venant du fait d'importants
changements et d'innovations de certains jeunes artistes,
dans certains domaines, comme le cinéma et la bande
dessinée. Dans le cadre de la bande dessinée populaire, une
rupture de genre aura lieu, une envie de rompre avec les
traditionnelles bandes dessinées d'aventure et de
western, qui jusqu'ici, tenaient le marché, dans
lequel les héros positifs sont voués à
la défense des valeurs établies comme la
famille et la morale. |
Le document rarissime ci-dessus présente l'édition originale de Diabolik 1962, augmentée par la non moins rare couverture originale exposée, s'il vous plait, au ~Muséo del Fumetto~ en 2007. |
Les kiosques à journaux italiens, à partir
de ce moment et pendant quelques années, seront
envahies de poches "noirs" et par les titres les plus
bizarres, comme Fantax/Fantasm (juin 1964) de
Corsas (Vittorio CORte/ Annibale
CASabianca) et Mangiarano (Romano
Felmang). Créé sous le nom de
Fantax, axé sur la violence et la
cruauté, ce personnage fut obligé de changer
son nom en Fantasm à partir du numéro
18, le français Pierre Mouchot ayant
déposé ce nom en 1947.
- Certains plus éphémères comme Cobrak, seront voués à disparaître après seulement quelques mois, par manque de lecteurs ou bien pour cause de censure. Il existe aussi Magik, Demoniak, ou encore Maskar (étrange ressemblance physique avec Fantax, le héros français), et pour terminer, Sangoor (couvertures et dessins décalqués sur le Spiderman de John Romita sr, et des fois sur ceux de Gene Colan). |
Chez ces sujets du crime, il faudra évidemment rajouter un équivalent féminin avec des héroïnes toutes très sensuelles et aux noms évocateurs:
Ainsi, en maintenant les éléments
fondamentaux du genre " noir " (violence et
agressivité), ces bandes dessinées pour
adultes ouvriront la route vers une progressive "escalade de
la nudité", qui les mèneront plus tard
à la pornographie. Cette surenchère est
allée naturellement vers la libération et
l'évolution des mœurs sexuelles en Italie, et dans le
sens d'une progressive permissivité. |
Parallèlement, pour la France, vers le
début des années 50, avec l'engouement pour
certains romans noirs (encore cette couleur), les "Editions
presses Mondiales" vont publier une série de bandes
dessinées, "les grands romans noirs dessinés"
1953/1955, avec des dessinateurs tels que Gal, Marculeta
et J.C Forest, Jacques Thibésart.
On est encore assez loin de la pornographie, mais l'on peut
y voir des couples au lit, des étreintes
passionnées, des fesses et des seins à l'air,
des culottes qui tombent... Ces revues ont d'ailleurs
été condamnées pour outrage aux bonnes
mœurs à cause de leur érotisme
sous-jacent. Voici les 4 premiers numéros en photos ci-dessous
(un emplacement est laissé au cas où je
trouverais le N° 5). |
Les Fumetti per adulti : En 1966, quatre ans après la naissance du sombre
Diabolik, le siège de l'éditeur
"Sessantasei" Via (rue) Benedetto Garofalo, dans le quartier
Città Studi, créé un nouveau genre de
bande dessinée populaire pour adultes. Il s'agit
distinctement de ~la bande dessinée
érotique~. |
Renzo Barbieri (1933-2007) |
Giorgio Cavedon (1930-2001) |
Nous reviendrons sur leur parcours plus longuement à la fin de cet article, dans deux interviews : une donnée par Renzo Barbieri à son ami Graziano Origa et une donnée par Giorgio Cavedon à une journaliste, Graziella Di Prospero. Cette dernière interview devant d'ailleurs paraître dans le magazine Playmen, ne put sortir pour ~incompatibilité politique~ entre Prospero et Luciano Oppo, le rédacteur en chef. Le phénomène érotique : En avril 1966, l'éditeur "Sessantasei" place sur le marché, à seulement quelques jours d'intervalle, deux titres phares, Goldrake il Playboy, une série d'espionnage librement inspirée du personnage de James Bond, et Isabella, Duchesse du diable (Anna Margherita Montibon de Frissac). |
Ecrit par Renzo Barbieri, Goldrake raconte
les aventures d'un riche playboy Vénitien, William
Holden Valmarin, agent de la C.I.A qui utilise des balles
d'or (d'où "Gold" or, et "Drake", en souvenir du
célèbre pirate Francis Drake). Le héros
milliardaire, qui ressemble trait pour trait à
Jean Paul Belmondo, est accompagné par Ursula
qui, elle, a l'aspect d'Ursula Andress, la fameuse
James Bond Girl. |
Le succès de Goldrake et d'Isabella est dû également à un dessinateur extrêmement talentueux et prolifique, Sandro Angiolini (Milan, 1920-1985). En plus des couvertures peintes et des histoires dessinées, Angiolini aura donné à ces deux séries ses lettres de noblesse, grâce aux caractéristiques de son style souple, impliquant dans cette série une charge érotique importante qui réussit à conquérir un nombre considérable de lecteurs.
En 1940, à peine sort-il du ~lycée
Artistique de Brera~ et qu'il a l'intention de
fréquenter l'université, qu'Antonio
Rubino (créateur des journaux La Tradotta
et Balilla, directeur en 1934 de Topolino de
chez "Mondadori", et de Corriere dei Piccoli en 1910)
l'appelle à Rome pour contribuer au film d'animation
"Il Paese dei Ranocchi" de Roberto Sgrilli,
présenté en 1942 à la Mostra de Venise,
et produit par "l'Incom". Après cette
expérience, durant laquelle il apprend à faire
du dessin animé, il continue dans le même genre
en collaborant, toujours en 1942, avec "Bossoli Film"
à la réalisation "d'Anacleto la Faina", ou
quelques temps plus tard, "la Rosa di Bagdad". |
Pour en revenir à Goldrake et
Isabella, suggérant plus qu'ils ne montrent,
à cause de la décence et de la censure, ces
deux séries sauront exciter l'imagination des
lecteurs par l'élément érotique
doucereux où tout est suggéré, et jouer
sur le pouvoir évocateur des auteurs. C'est seulement
beaucoup plus tard, quand ces séries seront en
concurrence avec le cinéma, que ces BD pour adultes
deviendront plus explicites par leur contenu, qui leur
vaudra l'épithète, un peu réductrice de
"BD porno". Héroïnes infernales : Goldrake et Isabella ne sont pas les seuls
magazines érotiques créés en tandem par
Barbieri et Cavedon, qui reprennent les
initiales de leurs noms en 1967 "RG" ou "Editions Erregi",
sur les cendres de la "Sessantasei" éditeur.
|
Il existe également d'autres séries telles que : -Jungla (4 septembre 1968 au 1 décembre
1971), dessiné par Stelio Fenzo, qui est
sous-titrée: la vierge africaine, qui tient à
sa virginité et dont tous les prétendants,
amoureux ou non, meurent. Elle perdra, après un
référendum auprès du lectorat, sa
virginité dans le N° 55 du 10 octobre 1971.
Série sur 57 numéros. |
En plus des grands écrivains du passé, font
partie du personnel artistique des "Editions Erregi"
certains dessinateurs débutants, qui, grâce
à cet entrainement, allaient devenir, à leur
tour les meilleurs professionnels sur le marché de la
bande dessinée. |
J'ai personnellement écouté ces deux
disques, et si vous aimez le genre des films de la "Hammer":
gothique-planant, avec des relents de mystères et des
ambiances sépulcrales, vous ne serez pas
déçus. J'ai particulièrement
aimé, surtout lorsque l'on sait que ces deux disques
datent pour le premier de 1969 et le second de 1972 et
qu'ils étaient complètement novateurs à
l'époque… |
Toutefois, il n'y aura pas que des héroïnes
chez cet éditeur, mais aussi des héros, dont
le moins connu n'est pas Peter Paper, d'octobre 1972
à juin 1975 sur 32 numéros pour la
première série, et septembre 1976 à
décembre 1978 sur 28 numéros pour la seconde
série aux " Edt Ediperiodici ", mais aussi des titres
comme Al Capone (9 octobre 1967 au 7 décembre
1968) sur 15 numéros. Ce titre, qui était
dessiné par Stelio Fenzo (futur dessinateur de
Jungla), fut pendant un temps le digne successeur des
fumetti neri, mais la "Sessentasei" s'aperçut que
l'heure des héroïnes était venue et en
1968, s'abordât le titre qui fut remplacé par
Bonnie, qui profitait de surcroit du lancement du
film "Bonnie and Clyde" (la couverture du numéro 5
reprend d'ailleurs le visage de l'actrice Faye
Dunaway). |
Le Ménelik numéro 1 de novembre 1973 avec la première apparition de Maghella, ainsi que la publicité (qui est tirée directement de la couverture originale et qui se trouve être dans le bon sens par rapport à l'édition imprimée, voir plus bas) pour la sortie du Maghella numéro 1 en janvier 1974. |
Petite anecdote : c'est dans le magazine ZIP en 1971 que seraient apparus les premiers poils pubiens puis dans Menelik, magazine humoristico-érotique (couvertures d'Aslan pour certains numéros). |
La marque de Renzo Barbieri sur un de ses bateaux et le
logo apposé sur ses livres. |
C'est dans ce contexte et jusqu'au milieu des
années quatre-vingts, période où se
termine l'aventure éditoriale, qu'"Edifumetto" se
sera vu progressivement s'étendre à plus d'une
centaine de titres. Ce fut une expérience unique qui,
compte tenu de la nécessité de produire
rapidement, a permis à de nombreux professionnels de
travailler même pendant les crises cycliques qui ont
frappé les dernières décennies de la
bande dessinée. |
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Renzo Barbieri :
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Pléiade de revues des années 40 et 50, avec la première carte de visite de Renzo Barbieri, où il est marqué : Renzo Barbieri Studios, per la realizzazione di romanzi - racconti - westerns - comics - gialli - d'avventure - storie a fumetti - scketchs pubblicitari - soggetti cinematografici - copioni di riviste. En 1966, il lui vient l'idée de devenir
éditeur et auteur de fumetti avec une
prédisposition pour deux thèmes assez forts :
sexe et horreur. |
Ensuite vient l'association avec Giorgio Cavedon
et en 1972 leur séparation, qui permettra à ce
dernier de fonder la "Ediperiodici". |
Le contact français, ELVIFRANCE :
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L'arrivée imminente d'Isabella et de Jungla en France en juin 1970, annoncée par un courrier provenant d'Italie, des "Edt RG" (document aimablement passé par Bernard Joubert tiré de ses archives et dossiers EF). |
Interview donné par Renzo Barbieri à
Graziano Origa en 2002. 1966 (Edizioni Sessantasei 66) : GRAZIANO :... Comment et quand avec vous eu l'idée de devenir éditeur et auteur de bandes dessinées de pockets sexe & horreur? ... RENZO : Une nuit à Genève, ceux de "L'ASA Mille" pour qui je travaillais, m'ont forcé à partir immédiatement pour Milan. Il était minuit. Impossible de prendre un taxi, une tempête de neige faisait rage comme en Sibérie. J'ai du rejoindre à pied la gare, trempé jusqu'aux os. Dans un kiosque à journaux, j'ai saisi au hasard des bandes dessinées pour tuer le temps, des numéros de Kriminal (dans une autre version il s'agit de roman-photos français Killing) édité par Andrea Horn. J'ai feuilleté cela et je me suis dit : "je pourrais écrire quelque chose d'aussi sympathique, sans problème". GRAZIANO : Je pense qu'en 1965 Kriminal de Magnus et Bunker se vendaient à plus de 50.000 exemplaires ... RENZO : Oui et j'ai décidé
d'arrêter les relations publiques ainsi que le
journalisme. Ce ne fut pas chose facile. Quatre lire pour
payer le loyer du siège de la société
et un acompte au typographe. GRAZIANO : Je sais que, deux mois plus tard, avec les premières ventes d'Isabella et Goldrake vous deviez les lui rendre avec beaucoup d'intérêt ... RENZO : Mon frère, s'installant à Rome sans un sou, c'était une vie très dure. Il habitait avec Alain Delon, lui aussi en quête de fortune et de succès et avec lequel il partageait une chambre (heu oui oui, -sic- NDA). Ils allaient vers onze heures du matin à la gare "Termini" escalader en cachette les wagons-restaurants et s'approvisionner en pain et nourriture. Alors, ils assuraient leur "repas" de la journée. GRAZIANO : Tout seul mais déterminé, avec l'argent prêté par la fille qui travaillait au vestiaire du "Charly Max", vous fondez la maison d'édition "Sessantesei" au printemps de cette année là. RENZO : C'était le temps "d'Angélique Marquise des anges". Dans cette lignée est née Isabella, Duchesse du Diable et avec le succès des James Bond 007 l'agent Goldrake, le Playboy. Depuis mes débuts d'écrivain à la fin des années 40, j'ai presque toujours donné à mes personnages des visages d'acteurs célèbres, James Dean, Marilyn Monroe, Rock Hudson. Pour Goldrake, j'ai décidé que ce serait Jean Paul Belmondo. Idée qui s'est avérée très fructueuse. GRAZIANO : Les "Editions RG" prennent vie en Janvier 1967, avec Giorgio Cavedon le jazzman et entrepreneur, ainsi que vous et votre frère Giorgio, juste après la création des "Editions Sessantasei". Ensemble, vous vous jetez à corps perdu dans la bande dessinée. Votre seul concurrent étant les éditions "Furio Viano" ... RENZO : Oui et aujourd'hui Messaline, Belphégor, Lucifera, Jacula, de Sade, Lucrèce, Terror, Biancaneve, … sont devenus des objets de culte autant que Clint Eastwood et le "western spaghetti". 1972 (Edifumetto) : GRAZIANO : En 1972, vous êtes arrivé à Milan da Cagliari, vous avez ouvert un studio et les éditeurs et auteurs ont commencé à produire quantité de séries, comme pour l'éditeur " Puleio " (Coxeman, Lady Lust, Rolls Royce), pour "Furio Viano" (Misterlady, Helga) "Ediperiodici" ( Zordon, Maghella) et pour la toute naissante "Edifumetto" (Biancaneve, Sexy Favole, Fiabe Proibite, Araxam) ... RENZO : Après un bref passage avec les
"Editions SEGI" (1972), un avant-poste que j'avais
créé après certaines divergences sur la
ligne de conduite éditoriale avec mon défunt
partenaire G.Cavedon et l'arrêt avec "Erregi",
"Edifumetto" nait le 1 janvier 1973 et se situe dans la Via
Redi 22 à Milan. À ce moment même,
G.Cavedon créé et commence une nouvelle maison
d'édition : "Ediperiodici". GRAZIANO : Quand Zora, après près de deux cents numéros, était sur le point de s'arrêter, commençait Sukia, une vampire moderne incluant des garçons qui étaient gays: une autre grande réussite. RENZO : Un travail épuisant, sans repos pour ma part, car j'ai été impliqué dans l'écriture des scénarii, conseillé pour les dessinateurs, à l'imprimerie, l'entreposage, le recyclage des invendus. Des vacances limitées à seulement quelques jours: Noël et août. Je me souviens d'une semaine passée à l'occasion de Pâques dans un entrepôt géant, à décider ce qui devait être publié l'été. GRAZIANO : La "Edifumetto" a publié de tout pendant cette période, y compris pour les jeunes enfants, comme Pink Panther ... RENZO : ...Oui exact et pour les garçons, Jésus, Coyote, Koko, Paninaro, UFO, Lupo Bianco, Mar i el su delfino, Zan, mais la vérité est que je n'avais pas suffisamment de temps pour explorer cette partie éditoriale, qui sera enrichie plus tard par d'autres magazines comme Skate,Wresting, Skate, Swissmania, Usa Magazine, Enigmistica 2000, Jolly Club, Issimo. J'ai publié de tout, du sacré au profane, de Padre Pio à Jeanne d'Arc en passant par Biancaneve. GRAZIANO : Je trouve que les "Editions del Vascello" de 1975 ont publié de nombreux poches de très grande qualité, par exemple Lo Sconosciuto de Magnus ... RENZO : J'avais fait renaitre les "Edt del Vascello" pour une raison nostalgique. Je voulais faire revivre le nom "del Vascello" qui datait de 1959, lorsque pour une demi lire, j'avais imprimé et personnellement distribué dans les librairies "lombardes" et "liguri" quelques volumes et romans "La Fanfare du Soleil", dans lequel en 1962 le metteur en scène Oscar De Fine avait tiré un film, "Whisky a Mezzogiorno" avec Corrado Pani, Nino Besozzi, Lida Ferro, Vera Worth et je ne me rappelle plus quels autres acteurs. Mon frère qui apparaissait déjà sur la couverture du livre a également travaillé dans le film, car ne pouvant pas me permettre de payer un illustrateur, de toute évidence, il prit des photos de lui avec beaucoup de succès d'ailleurs. Ensuite, je transformais la "Edifumetto Srl" en "S.p.a" et les "Edt del Vascello" furent incorporées dans la nouvelle société. Dessinateurs (S. Angiolini) : RENZO : Entre 1972 et 1979, le travail et les
affaires fonctionnaient bien. Pour moi, travaillaient en
effet 107 dessinateurs, y compris ceux des "Studio
Montanari", ceux du "Studio Origa" et de "Rossi", "Tenenti",
"Leonetti". Et parmi tous ces artistes, le plus
précieux pour moi est mon vieil ami, Alessandro
Biffignandi qui a fait plus de 50% des couvertures de
mes publications. Mais aussi d'autres illustrateurs comme
Dangelico, Jacono, Carcupino, Taglietti, Thole. Mais
mon préféré, artistiquement parlant,
restera Roberto Molino. Parmi les autres
créateurs artistiques, certaines contributions
importantes, comme celles de Frollo, Fenzo, Pavone,
Marraffa, Cimpellin, Romanini et Terenghi qui
nous ont régalées de quelques histoires
savoureuses. GRAZIANO : Sandro Angiolini, vous a accompagné durant la plupart de votre vie ... RENZO : Un travailleur infatigable, un haut niveau
de professionnalisme, des livraisons toujours ponctuelles ;
il aura été le numéro un dans mon
écurie. GRAZIANO : Votre association avec lui, après Isabella et Goldorak a continué avec "Edifumetto" pour laquelle graphiquement il créera l'excellent Una, Belzeba et La Poliziotta, et pour FurioViano la série Vartan ... RENZO : J'ajouterai une anecdote: ma
découverte de Sandro est venue juste
après la guerre. |
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2002 (les derniers feux) : GRAZIANO : Les années soixante ont été révolutionnaires, mais les soixante-dix ont représenté pour vous l'âge d'or de la bande dessinée d'horreur-érotique. RENZO : J'ai, il est vrai, tordu les canons de la
tradition de la bande dessinée italienne, et en
même temps je terrassais la censure et les moralistes,
les bien-pensants. Sans le savoir, également j'ai
ouvert de nouveaux espaces pour le cinéma et la
télévision: les premiers films légers
à paraître au cinéma le furent avec
Edwige Fenech et Alvaro Vitali, avec des films
comme pour la trilogie "La poliziotta" ou "l'insegnante".
(-La flic- ou -L'enseignante-). |
Renzo Barbieri (photo par son frère Gian Paolo Barbieri), dessin Biancaneve de Leone Frollo. |
Interview donné par Giorgo Cavedon à
Graziella Di Prospero en 1972. GRAZIELLA : Giorgio Cavedon, extraverti, apparemment pas trop tatillon et rigolard, qui donna vie à Isabella en 1966, admet qu'il ne connaissait pas la formule pour créer un personnage, juste un mélange de telle ou telle caractéristique de héros comme l'ont déjà testé les sœurs Giussani (créatrices de Diabolik) et qu'à l'exception de Mickey, il n'avait jamais lu une bande dessinée de sa vie. GIORGIO : J'ai créé Isabella
-dit-il innocemment- d'un profond besoin de survie. J'ai
été de ceux qui avaient fait un peu de tout,
travaillant dans l'industrie du journalisme, du
cinéma, et du jazz. Si j'avais réussi quelque
chose avec le jazz, ayant également enregistré
plusieurs disques avec le " Milan Jazz Collège
Society ", j'ai réalisé que cette forme
d'expression -d'art- était en Italie un discours
réservé à une élite depuis
quelques années, et moi j'avais besoin d'en parler
aux gens, de partager ça. Une solution aurait pu
être un film, moyen d'expression que j'aimais
énormément, mais je ne voulais pas
dépendre de quelqu'un pour ensuite tomber dans
l'anonymat et disparaitre. Du fait de cette peur et
étant simplement incapable de souffrir, j'ai choisi
ma dernière chance, la bande dessinée. GRAZIELLA : Mais l'idée était bonne, parce que fondamentalement Isabella s'est également inspirée de quelque chose qui avait déjà fait ses preuves. GIORGIO : Certes, Isabella était un
dérivatif du film "Angélique marquise des
anges", mais seulement d'un point de vue historique, car si
l'une était "Marquise des anges", l'autre
était "Duchesse du diable". GRAZIELLA : G.Cavedon nous a confié
qu'il y avait une période initiale pendant laquelle
il a écrit avec une incroyable passion, à
cause de l'anxiété de savoir comment il allait
résoudre certaines situations dans lesquelles les
protagonistes étaient tombés. Dans
Isabella, il y avait tellement
d'événements qu'il n'avait des fois pas le
temps de développer les histoires ni de faire part de
certaines de ses solutions narratives, parce que
malgré son envie de perfectionnement, il lui faudrait
courir à l'imprimante et retirer la plupart des pages
déjà imprimées de manière
à changer l'histoire. GIORGIO : Ma mère m'avait condamné à l'enfer fut un temps et c'est seulement maintenant, il me semble, qu'elle veuille plus m'orienter vers le purgatoire car elle s'est tout de même un peu faite à cette idée. (Rires). GRAZIELLA : Qu'est-ce qu'a voulu exprimer Cavedon avec Isabella ? GIORGIO : L'intention était de créer
un personnage qui serait une femme. Un type de femme qui
serait étonnante et aventureuse, dans le sens
où certaines actions à ce jour venaient
toujours du fait d'un seul héros de sexe
masculin. GRAZIELLA : Ce n'est pas un hasard, alors
qu'Isabella a été capturée et
maltraitée depuis les premiers numéros et
qu'une grande partie des lecteurs, dont beaucoup ont vu se
développer au fur et à mesure la psychologie
du personnage, souhaitent d'autres héroïnes
comme elle. Bien que fascinant et exerçant une
attraction sur les lecteurs et lectrices, le héros
qui résout tout et tout seul, accompagné juste
quelques fois par des amies qui l'aident juste "par dessus
son épaule", qu'elles soient très actives,
mais finalement justes bonnes à s'attirer des ennuis
dans le seul but d'être sauvées, peut lasser le
public. L'initiative de cet ouvrage nous semble être un élément bien distinctif par rapport à la bande dessinée de masse. Pour la première fois dans l'histoire des comics, la fine membrane tombe entre le héros de papier d'une partie, et le lecteur de l'autre. La bande dessinée dépasse sa fonction originelle de simple lecture d'évasion, en établissant un lien direct avec le héros ou l'héroïne désigné. Celle-ci sort d'entre les pages dans lesquelles elle était maintenue enfermée, pour devenir palpable, vivante, dépassant la limite dans laquelle elle évoluait, pour devenir presque chair, sang et os. Mais après toutes ces années (dix pour Diabolik et six pour Isabella), les auteurs qui donnent vie aux aventures de leurs personnages sont-ils toujours les mêmes ? GIORGIO : Nous avons quelques collaborateurs et
les idées sont nombreuses, mais chaque idée
doit avoir une logique de fer dans son déroulement et
être en relation avec les autres pour que tout aille
bien. Les Editions Furio Viano et autres éditeurs : Vers la fin des années soixante, d'autres
éditeurs sérieux de bandes dessinées
viennent se placer à coté de Renzo
Barbieri et Giorgio Cavedon. |
Durant cette même période pendant laquelle apparaissent dans les kiosques Goldrake et Isabella, Viano publie Genius, roman-photo "noir" créé par Nava et scénarisé par Luigi Naviglio, dans la même veine que Diabolik. En 1969, sort une version en BD de Genius, écrite par Mario Gomboli et conçue par une nouvelle recrue, Milo Manara. L'éditeur milanais publie aussi la série érotico-violente, Helga, dessinée par Enzo Magni (Ingame), le créateur graphique de Pantera Bionda (1948). Au cours des années soixante-dix, Viano édite une nouvelle série, avec la pirate Jolanka (en 1970, un an avant la presque du même nom Jolanda, aux "Edt Erregi") et Misterlady (1975), qui marque les débuts dans la bande dessinée de Riboldi Eneas, qui avait aussi travaillé sur Maghella, et qui est aujourd'hui dessinateur des couvertures de Dampyr chez "Sergio Bonelli Editore". Mais le plus gros succès commercial, Viano
le réussit avec la série Vartan (voir
Saga en France, "Edt Elvifrance"), dont
l'héroïne est une indienne blonde, fille d'une
princesse Sioux et d'un lord britannique. Inspirée
par la chanteuse française Sylvie Vartan,
à qui elle ressemble physiquement (pin-up et
chanteuse omniprésente sur les écrans de
télévision durant les années soixante
en Italie et dans le monde, et épouse du chanteur
Johnny Hallyday), la charmante indienne est
vêtue d'une veste blanche, bordée de cuir
rouge, de longues bottes et coiffée d'un bandeau, que
complètent une ceinture énorme avec
étui et un Colt 45. Le succès de la
série en Italie est assuré sur deux cents
numéros, publié d'octobre 1969 à mai
1977, écrit par Furio Viano et Paolo
Ghelardini et dessiné par Sandro
Angiolini, qui a également fait toutes les
couvertures. |
Liste des productions Edifumetto : Agenda Erotica, A Grande Richiesta, Albi Nuovi, Aldila, Amerika 2000, Amiche Mie, Amore Mio, Amori Scandalosi, Araxam della Preistoria, Argento, Arrivano Gli UFO, Astraogenda, Attualita Flash, Attualita Gialla, Attualita Nera, Attualita Nera Extra, Attualita Proibita, Attualita Supernera, Azzurra, Baby Dracula, Banda Kennedy, Battagile Stellari, Batty & Gay, Belli di Notte, Belzeba, Beverly Fan, Biancaneve, Bionika, Black Jack, Black Out, Blu, Briganti, Burino Doc, Calendario 2002, Camionista, Carnet del Playboy, Carolina, Casinista, Casino, Cat Blody, Cenerentola, 100 giochi, 150 Giochi, Cesarino, Cieli degli UFO, Cimiteria, Cioci & Tato, Clik, Colline Stregate, Compagnia della Forca, Confessioni Intime, Coyote, Crimen, Cronaca Nera, Cronaca Nuda, Cuore, Dallas, Din Don, Donna Blu, Dossier Fumetto, Dott Barnard, Dottoressa, Draculino, Draghi, Dritti, Duchessa, Enigmistica, Extra, Fan, Fantaorror, Fasma, Fata Turchina, Fatti Oggi, Favolette Sexy, Fergie la Rossa, Fiabe Colorate, Fiabe Proibite, Fichissime Strix, Film della Luce Rossa, Flash, Floch Gordon, Folk, Fox, Frankenstein, Fumetti dell'Orrore, Fumettoni, Fumetto Oroscopo, Fuzzy, Gatta, Gialla, Gialli della Luce Rossa, Gialloni, Gigetto, Giuseppe Verdi, Gol !, Golscandalo, Grand Oroscopo, Grandi Romanzi d'a More e di Spada, Guarire con le Erbe, Guerra e Sesso, Guida per Viverre da Nababbi, Holocaust, Hostess, Igor, Inferno, Intoccabili, Issimo, Jeans, Jesus, Jolly, Jurassic Strip, Karzan, Kazonga, King del Fumetto, Klic Klac, Koko, Kondor, Lady Domina, Lando, Lardoso, Leghista, Libri della Luce Gialla, Libri della Luce Rossa, Lupo Bianco, Macabro, Macho, Mafia, Magnus, Malavita Internazionale, Manuale del Cavaliere, Manuale del Playboy, Marchesa del Tigullio, Mar e il suo Delfino, Mezzanotte, Miliardaria, Misteria, Mix fumetti, Mondo Carrotto, Moschettiera, Naga, Necron, Nera, Nera Express, Neri della Luce Rossa, Nobel del Fumetto, Non solo Inglese, Non Stop, Notturni, Occulto, Odeon, Oroscopo Demoniaco, Orror, Orror Nero, Paninaro, Pantera Rosa, Paparazzo, Parolacce alla Radio, Peccati, Peccati di Lady D, Peccatrice, Pierino, Pinocchio, Playcolt, Poliziotta, Pompea, Pornostar, Potenti, Preppy, Professionista, 4 Risate, 40 Gradi, 44 Magnum, Quei due della Luce Rossa, Ragazzi della 3° B, Ragazzi Sport, Raimbo, Ratman, Realta Misteriosa, Record, Reporter, Risatissime, Rolando del Fico, Romantica, Romanzi della Cronaca Nera, Romanzi dell'Orrore, Rosa, Rossa, Rubrica del Cuore, Sanguinari, Sbarre, Scandali, Scheletro, Sciacallo, Scimmy, Sconosciuto, Scopona, Selezione, Sexy Card, Sexy Favole, Sherlock, Shock, Si, Skate, Sogni Azzurri, Solitario Boy, Spaghetti, Spektron, Sphero, Sport Nero, Spot Fumetti, Star, Storie Erotiche, Strafiabe, Strarisate, Stravolta, Strega, Stregoneria, Superdelitti, Super Drive In, Superfumetti, Supermarket, Super Proibita, Sukia, Swissmania, Tabu, Tam Tam, Telefilm Proibiti, Telenovela Vietata, Texana, Theo Cali, Top, Tromba, Tropici Crudeli, Tuttumpo Giochi, UFO, Ulula, Una, Usa magazine, Vampiro, Vampirissimo, Vartan, Verde, Vincere al Lotto, Viola, Vipera Bionda, Vitelloni, Wallestein, Wrestling, Yra, Yuppie, Zanzibar, Zan della Jungla, Zip, Zora, Zorro. Les produits dérivés : En Italie (contrairement à la France), et depuis
les années 60 et 70, on a toujours pu trouver des
produits dérivés, souvent appelés
gadgets. Ils étaient axés sur les héros
de bandes dessinées, que ce soit sur les personnages
de Walt Disney comme Picsou, Donald (Zio
Paperone et Paperino), ceux de la firme "Marvel" et ses
super-héros ou bien les fumetti neri, comme
Diabolik qui était souvent mis en avant, ou
encore pour les fumetti per adulti, comme Isabella ou les
autres héroïnes. L'héroïne
Vartan était souvent d'ailleurs la plus
avantagée. Vous trouverez de ce fait un nombre
important de ces dérivatifs pour collectionneurs. |
Galerie de portraits de dessinateurs & illustrateurs italiens : En France, dans le début des années 70,
parmi la pléthore de PF qui circulaient
déjà, comme Rodéo, Captain Swing,
Kiwi, Zembla, Yuma,… et que l'on pouvait voir sur les
racks tournants des librairies, il fallait à
"Elvifrance" un supplément pour accrocher encore plus
les yeux des acheteurs potentiels de bandes
dessinées. |
Galerie de couvertures originales italiennes : Pour compléter la galerie de portraits ci-dessus,
voici un bel aperçu de couvertures originales
peintes, de fumetti neri et per adulti des années 60
et 70. |
Le coin des collectionneurs, expositions et conventions : Il y a quelques années, au vu de la demande
croissante de certains collectionneurs, certaines
pièces comme les couvertures originales (voir
ci-dessus), dessins, jouets, bandes dessinées et tous
produits dérivés anciens, ont vu leurs cotes
grimper en flèche en fonction de la rareté et
de l'état de la pièce. Comme par exemple le
numéro 1 de la première édition de
Diabolik qui date de 1962 (édition qui compte
énormément de retirages, complets ou partiels
: en 1963, 1964, 1992, 1994, 2000, 2001, 2004, 2006, 2008,
2010), 1ère édition que j'ai vue
personnellement partir à des prix affolants (aux
alentours de 6500euro et plus, il y a quelques
années). |
Toute cette culture sur la bande dessinée se
développe à notre époque par les
relations internet ou bien lors de conventions à
thèmes, facilitant les échanges, les
rencontres et pouvant toucher un large public de
nostalgiques ou bien de passionnés par ces nouvelles
sources de communications. |
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Ces bandes dessinées de gares si
décriées dans les années 70 et 80,
soumises à la censure et à l'opprobre, font
l'objet aujourd'hui en France et en Italie, d'expositions,
et sont considérées comme faisant partie du
patrimoine. |
Catalogues italiens spécialisés dans les dessins, couvertures et planches originales, italiennes pour la plupart. Notez au milieu le catalogue qui est un numéro entièrement consacré à l'art de Leone Frollo. |
Rarissime histoire complète de Biancaneve dessinée par Frollo. D'après mes recherches personnelles (et très précises), sur les 26 histoires de la première série dessinées à l'origine par Leone Frollo, il n'en existe plus que 11 qui sont encore complètes de nos jours. Les autres supplementi par Frollo, Biancaneve i sette nani et la strega saffica de 1980 ainsi que Biancaneve a New York de 1990 sont aussi complets. Ce qui n'est plus le cas de Biancaneve i Favonius de 1978 et de Biancaneve il maleficio della strega de 1982 qui a été cassé très récemment. Ce chiffre bien sûr, pouvant être revu à la baisse, le temps passant… Luigi Corteggi, dessinateur illustrateur peintre : En avril 2010 à Milan, une exposition fut
organisée par la "Fumetteria Supergulp" sur le
peintre illustrateur Luigi Corteggi (dit Cortez). Cela dit, son plus grand travail et le plus connu restera
sans doute les couvertures peintes des bandes
dessinées sur lesquelles il a travaillé dans
les années 60 et 70, créant un grand nombre de
couvertures des "Edt Corno", mais surtout sur les titres
comme Kriminal, Satanik, Alan Ford, Gesebel…et
il Piccolo Ranger, qui sont devenus des monuments de
la BD. |
Lettres du magazine Cara Isabella : Comme convenu voici les lettres qui étaient parues
dans le volume Cara Isabella. Cara Isabella : Cara Isabella : Isabella adorata : Et pour terminer sur une note d'humour désinvolte : Cara Isabella : En définitive, à l'heure d'internet et des
nouvelles technologies, de la pornographie facile, gratuite
et accessible, ces petits formats des années 70 et
leur contenu semblent bien dérisoires de nos jours et
bien loin dans le temps, pratiquement oubliés
même. FIN Pour avoir un complément d'informations à cet article, vous pouvez allez voir et lire mes autres entrefilets sur les héroïnes comme: Biancaneve, Shatane, Maghella, Yra, ou Casino…visibles sur ce site. Remerciements : |